André Cariou, ancien conservateur du Musée des beaux-arts de Quimper, a passé dix années à faire des recherches sur Charles Filiger, peintre maudit de L’Ecole de Pont-Aven. Grâce à ce travail de longue haleine, il a publié en mars 2019: Filiger – Correspondances et sources anciennes aux Éditions Locus Solus. 35 €.
Le Musée des beaux-arts de Quimper ne possédait à l’origine aucune œuvre de Filiger. André Cariou en devint le conservateur en 1984: «Ses tableaux étaient la propriété de sept collectionneurs et grands marchands, à New York et Lausanne. C’était quasiment impossible de rentrer dans le jeu»
Charles Filiger est né à Thann (Haut-Rhin) le 28 novembre 1863. Son père, dessinateur et coloriste, l’inscrit à l’École des arts décoratifs à Paris. Il y arrive vers 1886. Il fréquente l’Académie Colarossi au 10 rue de la Grande-Chaumière. Il expose au Salon des indépendants en 1889 et 1890. Il arrive à Pont-Aven à la Pension Gloanec en 1888. Il s’installe ensuite à l’auberge de Marie Henry au Pouldu. Il y cotoie Paul Gauguin, Meyer de Haan et Paul Sérusier. Grâce à Gauguin, il se fait vite une place dans le milieu symboliste. Mais en 1893, il se retire et vit dans la misère dans une ferme au hameau de Kersulé, à proximité du Pouldu. Le comte Antoine de la Rochefoucault (1862-1959) est un temps son mécène. Il lui verse une rente mensuelle de 150 francs en échange de l’essentiel de sa production. Les critiques d’Alfred Jarry et de Rémy de Gourmont sont élogieuses. Filiger vit en retrait du monde. Il erre misérablement en Bretagne: Rochefort-en-Terre, le Pouldu à nouveau, Malestroit, Gouarec, Guémené-sur-Scorf, Arzano, Trégunc, Plougastel-Daoulas. Il est devenu taciturne et a des crises de mysticisme. Il est alcoolique et se drogue de plus en plus à l’éther. Il peint peu mais des œuvres d’une grande sophistication, empreintes d’une grande religiosité. Il meurt, tout à fait oublié, à Plougastel-Daoulas, le 11 janvier 1928, à 65 ans.
Le conservateur Alain Cariou a commençé à acheter ses œuvres peu à peu. Le musée en posséde dix-sept, dont un magnifique tableau du Pouldu. En 2003, lors la grande vente de la collection d’André Breton, il en achète deux. Il poursuit ses recherches et entre en contact avec la fille d’André Breton, Aube Breton-Elléouët, qui vit à Tréguier. Elle lui remet un gros classeur, le dossier personnel qu’avait constitué André Breton sur Filiger. Il envisageait de lui consacrer un livre. La fille d’André Breton lui donne ensuite une dizaine d’œuvres de Filiger. André Cariou prend sa retraite en 2012 mais ne cesse pas ses recherches.
L’éditeur Locus Solus (Châteaulin, Finistère) publie aujourd’hui cette somme, fruit de dix ans de travail. La parution de ce beau livre est complétée par une exposition à Paris-VIII, organisée du 27 mars au 22 juin, à la galerie Malingue, au 26 avenue Matignon. André Cariou en est le commissaire. La galerie Malingue présente là près de 80 œuvres de Filiger provenant de collections privées et de musées (Albi, Quimper, Brest, Saint-Germain-en-Laye).
Nous avons visité hier avec grand intérêt cette très belle exposition de ce peintre méconnu dont les œuvres avaient déjà attiré notre attention au Musée de Pont-Aven d’abord, puis lors de l’exposition Le Talisman de Sérusier, une prophétie de la couleur au Musée d’Orsay cet hiver.