(D’octobre 1907 à mai 1908, Mandelstam est étudiant à la Sorbonne à Paris où il suit les cours de Joseph Bédier et d’Henri Bergson.)
J’ai vu un lac, un lac qui se tenait debout,
Et, leur logis d’eau douce achevé, les poissons
Jouaient avec la rose taillée dans la roue,
Dans l’esquif s’affrontaient le renard et le lion.
Les voûtes avortées de voûtes plus ouvertes
Zieutaient par le dedans les trois hurlants portails,
La gazelle enjamba la portée violette
Et du roc le soupir des tours soudain jaillit.
Et fier le grès se dresse, abreuvé de fraîcheur ;
Dans la ville-grillon, la ville des métiers,
Un enfant-océan vient de surgir du fleuve
Et d’eau douce à pleins seaux asperge les nuées.
Voronèje, 4-7 mars 1937.
(Ce poème est une évocation de la rosace de Notre-Dame)
Cahiers de Voronèje 1935-1937, in Tristia et autres poèmes,
Editions Gallimard, 1975. Traduit du russe par François Kérel.