Vu avec beaucoup d’intérêt mercredi 10 janvier à La Ferme du Buisson (Noisiel) le documentaire du cinéaste Raymond Depardon 12 jours.
Nous avions vu, il y a quelques mois, à la Fondation Henri Cartier-Bresson (2 Impasse Lebouis, 75014 Paris) l’exposition Traverser du photographe Raymond Depardon. Cette Fondation s’installera au 79 rue des Archives, 75003 Paris en 2018.
Filmographie abrégée:
- 1982 San Clemente.
- 1983 Faits divers.
- 1988 Urgences.
- 1994 Délits flagrants.
- 2004 10e chambre, instants d’audience.
- 2016 Les Habitants.
Depuis la loi du 27 septembre 2013, toute personne internée en hôpital psychiatrique sans son consentement (soit 92 000 cas par an en France) doit être présentée à un juge des libertés et de la détention dans un délai de douze jours. Le juge dispose d’un rapport du psychiatre, mais il n’y a pas de présence médicale lors de l’entretien. Le documentaire montre le face à face du juge et du patient, assisté de son avocat. Dans tous les cas, existe-t-il un péril imminent?
Le film a été tourné à l’Hôpital Le Vinatier de Bron, commune de la métropole de Lyon.
Depardon s’est toujours intéréssé comme documentariste à la justice et à la psychiatrie.
Le film s’ouvre par un long travelling dans le couloir vide d’un hôpital moderne. Pour les audiences, trois caméras. Un classique champ-contrechamp. De gros plans. Depardon ne bouge presque pas, ne sortira de la pièce que pour quelques intermèdes montrant le parc, la cour, les couloirs, les rues avoisinantes, la brume du matin. Il se concentre sur la parole, l’échange, l’écoute. Les juges sont bienveillants, et les malades abrutis par les médicaments. Tous sont enfermés dans la même pièce. Huis-clos. Les 10 patients de 12 Jours (parmi les 72 que le cinéaste a pu suivre) ont été enfermés sans consentement. La conclusion est la même: maintien de l’enfermement. Les juges (deux hommes, deux femmes) ne vont jamais contre l’avis des médecins. Selon les statistiques, les juges confirment les décisions des psychiatres dans 91 % des cas. Leurs discours, souvent dérangeants, sont le reflet des maux de notre société: souffrance au travail, place de l’immigré, difficultés d’intégration, violences faites aux femmes, peur du terrorisme. Ces malades sont si loin, si près de nous. Depardon a placé en exergue de son film la phrase de Michel Foucault, tirée d’Histoire de la folie à l’âge classique : «De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par le fou.»
“Pourquoi avez-vous signé autant de travaux, films, photos, sur l’enfermement?
Je m’interroge souvent là-dessus. Je suis attiré par l’enfermement. Pourtant, j’ai eu une enfance très heureuse, mes parents ne m’ont jamais donné une gifle. Peut-être que j’ai une idée très XIXe siècle de la liberté. J’aime être libre au sens paysan, aller et venir, en liberté.” (Interview publiée dans Le Monde le 26/05/2017)