Exposition à la Maison de l’Amérique Latine, 217 Boulevard Saint-Germain 75007-Paris du 12 octobre 2018-20 décembre 2018.
Nous avons vu cette exposition mardi un peu par hasard.
Elle présente un ensemble de 150 photographies, composé de tirages anciens et modernes, de publications de l’époque et d’ extraits de films (Sinfonia de Metrópole de 1929). Il s’agit du regard sur le monde de trois femmes originaires d’Allemagne et qui se sont exilées à la fin des années 30 en Amérique du Sud. Leur formation photographique s’est faite en Allemagne. Elles ont toutes les trois subi l’influence du Bauhaus ou ont été formées dans l’atelier de Paul Wolff (1887-1951) dont le nom est associé à la marque Leica. Néanmoins, leur style diffère et elles n’ont pas vécu dans les mêmes pays d’Amérique du Sud.
Jeanne Mandello est née à Francfort, en Allemagne, en 1907. Elle suit une formation photographique à Berlin. Après un séjour à Francfort où elle monte son propre atelier, elle émigre à Paris en 1934. Elle abandonne son studio pour rejoindre l’Uruguay où elle vit de 1941 à 1953. Elle séjourne plusieurs années au Brésil et meurt à Barcelone en 2001.
Hildegard Rosenthal est née en 1913 à Zürich, mais sa naissance est enregistrée à Francfort. Elle fréquente ensuite le studio de Paul Wolff et commence à travailler en 1936. Elle émigre au Brésil en 1937. Elle s’installe à São Paulo et photographie jusqu’à la fin des années 1950. Elle meurt en 1990.
Grete Stern est née à Elberfeld-Wuppertal, en Allemagne, en 1904. Elle s’installe à Berlin en 1927 et suit pendant deux semestres les cours de photographie de Walter Petershans (1897-1960) au Bauhaus de Dessau. Elle s’associe avec une autre photographe, Ellen Auerbach, née Rosenberg (1906-2004), pour fonder l’ atelier ringl & pit en 1930. Après avoir émigré à Londres fin 1933, elle rejoint en 1936 en Argentine son mari, Horacio Coppola (1906-2012) qui est aussi photographe et qu’elle a rencontré au Bauhaus en 1932 et épousé en 1935. Pour l’essentiel, elle produit des mises en scène d’objets ou des photomontages en suivant les techniques de John Heartfield (1891-1968), Raoul Hausmann (1886-1971) ou George Grosz (1893-1959). Elle illustre une rubrique de psychologie pour le magazine Idilio entre 1948 et 1951. Cet hebdomadaire de la presse du coeur visait un large public, jeune, féminin et populaire. Elle meurt le 24 décembre 1999 à Buenos Aires.
Les différences entre les trois photographes sautent aux yeux. Jeanne Mandello a essentiellement travaillé en studio. Elle a effectué des recherches pour la publicité et la mode dans son laboratoire. Hildegard Rosenthal a adopté le petit format de prise de vue (24×36). Dès son arrivée à São Paulo, elle a pratiqué le reportage et s’est intéressée à la ville en utilisant un style européen. Quant à Grete Stern, la plus originale, elle a pratiqué le photomontage et illustré une rubrique de psychologie pour le magazine argentin Idilio. C’est une pionnière de la dénonciation de l’exploitation des femmes bien avant l’essor des mouvements féministes des années 60. Elle le fait avec beaucoup d’ humour et d’ironie, influencée par le dadaïsme et le surréalisme.
D’autres photographes européennes ont connu le même parcours: la hongroise Kati Horna (1912-2000) qui a vécu au Mexique; l’allemande Gisèle Freund (1908-2000) qui a travaillé en Argentine pendant la seconde Guerre Mondiale et n’est rentrée en Europe qu’en 1946; l’allemande Annemarie Heinrich (1912-2005), installée avec sa famille en Argentine dès 1926; l’allemande Gertrudis de Moses (1901-1996), réfugiée au Chili en 1939; l’allemande Alice Brill (1920-2013), exilée au Brésil avec sa famille à partir de 1934, la suisse Claudia Andujar (1931) qui a rejoint São Paulo en 1955 et a adopté la nationalité brésilienne en 1976.
Au rez-de-chaussée, on peut voir l’installation photographique et les sculptures de l’artiste mexicaine Carmen Mariscal, née en Californie en 1968. La esposa esposada (l’épouse menottée). Elle consacre surtout ses recherches aux questions liées à la condition féminine, dans ses dimensions de fragilité et d’aliénation. Une curiosité.