Leopoldo Alas est le grand romancier espagnol du XIX e siècle avec Benito Pérez Galdós (1843-1920). Son pseudonyme de journaliste et de critique était Clarín. On a retrouvé 2 300 articles de lui dans les journaux de l’époque.
Il est né le 25 avril 1852 à Zamora (Castilla y León) où son père avait été nommé gouverneur civil («Me nacieron en Zamora», disait-il). Leopoldo Alas obtient une chaire d’Économie Politique et de Statistique à Saragosse en 1882, puis de Droit Romain à Oviedo en 1883. Ce professeur progressiste et sceptique enseignera dans cette ville pendant dix-huit ans. Il est mort le 13 juin 1901.
Son œuvre principale, La Regenta, est un gros roman, publié en deux tomes en 1884 et 1885. L’action se déroule à Vetusta, une ville de province imaginaire qui ressemble beaucoup à Oviedo. Clarín y fait une critique acerbe de la société de la Restauration de la Monarchie d’Alfonso XII (1874), de la corruption politique, de l’inculture sociale et une féroce dénonciation des mœurs cléricales. Lors de sa publication, l’évêque d’Oviedo, Ramón Martínez Vigil, dans son bulletin diocésain d’ avril 1985, accuse l’écrivain de brigandage moral. Il dénonce « un roman saturé d’érotisme, et outrageant pour les pratiques chrétiennes. (« un libro saturado de erotismo, de escarnio a las prácticas cristianas»). L’auteur lui répond : « Mi novela es moral porque es sátira de malas costumbres. » De plus, des habitants de la ville se reconnaissent dans certains personnages du livre et y voient un roman à clef.
Est-ce que la ville, qu’on surnomme parfois “la bien novelada”, lui a pardonné aujourd’hui ces critiques ? Je ne pense pas. On trouve bien depuis 1997 une statue en bronze de La Regenta (Ana Ozores) sur la Place de la Cathédrale. Mais la ville d’Oviedo ne célèbre pas comme il le mérite la mémoire de cet auteur.
Clarín est aussi le père de Leopoldo García-Alas Argüelles (1883-1937), professeur de droit civil et recteur de l’ Université d’ Oviedo. Le 20 février 1937, les putschistes franquistes fusillent cet intellectuel républicain après une parodie de conseil de guerre. « Matan en mí la memoria de mi padre. », aurait-il dit en prison à un ami.
Le 4 mai 1931, le ministre de la Seconde République, Álvaro de Albornoz, inaugure un monument en l’honneur de Clarín dans le grand parc de la ville, El Campo de San Francisco, mais à la fin février 1937 les phalangistes de la ville le détruisent.
En 1953, Le maire franquiste d’Oviedo commande au sculpteur Victor Hevia Granda (1885-1957) un nouveau buste de l’écrivain. Il ne sera installé qu’en 1968. Mais la partie arrière du monument n’a jamais été restaurée. C’était une allégorie du sculpteur Manuel Álvarez Laviada (1892-1958) représentant « La Vérité dépourvue de toute hypocrisie (“La Verdad desprovista de toda Hipocresía”). Elle était représentée par une femme à moitié nue.
Ricardo Labra a publié récemment El caso Alas «Clarín». La memoria y el canon literario.(Colección Luna de abajo Alterna n°7.) qui fait le point sur Clarín et Oviedo.
https://www.lesvraisvoyageurs.com/2022/04/13/leopoldo-alas-dit-clarin-1852-1901/