Les photos prises pendant la guerre civile espagnole par Robert Capa, Gerda Taro ou Agustí Centelles sont aujourd’hui très célèbres. On a découvert plus récemment celles d’ Antoni Campañá (1906-1989). La plus connue est : Barcelone. Milicienne sur une barricade au carrefour des Ramblas et de la Calle Hospital le 25 juillet 1936.
On connaît depuis peu son identité. Il s’agit d’Anita Garbín Alonso, une couturière anarchiste. Elle se trouve sur une barricade devant le drapeau rouge et noir des anarchistes de la CNT-FAI. On voit au fond La Casa de los Paraguas. Cette maison insolite, remodelée parJosep Vilaseca en 1883, est ornée d’ombrelles et d’un dragon. C’ est aujourd’hui une succursale bancaire. Le cliché a été souvent reproduit par les anarchistes sur des affiches, des livres, des fresques. On a même surnommé cette femme, jusque-là anonyme, “ la Madona anarquista ”.
Ce n’est qu’en 2018 que l’on a su qui était l’auteur de la photographie : Antoni Campañà. Son petit-fils, Toni Monné a découvert alors deux caisses rouges qui contenaient des milliers de photos de la guerre (1200 copies et 5000 négatifs) lorsqu’on allait détruire la vieille maison familiale de San Cugat del Vallès. Le photographe les a cachées jusqu’à sa mort en 1989. Pendant la dictature franquiste, Campañá était surtout connu pour ses photos artistiques, ses photos de sport, de fêtes et des clichés qui mettaient en valeur le développement touristique. Pendant la guerre, ce n’était pas un photographe engagé. Il photographiait les réfugiés qui fuyaient la répression franquiste, mais aussi les églises détruites et les religieuses assassinées. Il venait d’une famille bourgeoise, nationaliste et catholique. En 1944, Francisco Lacruz a utilisé certaines de ses photos dans son livre El alzamiento, la revolución y el terror en Barcelona 19 de julio de 1936 – 26 de enero de 1939. A ce moment-là, Campañà a décidé de cacher les autres photos prises pendant la guerre. Et il a été un peu oublié.
Anita Garbín Alonso, elle, est née à Almería, en Andalousie en 1915. Ses parents ont émigré à Barcelone en 1920. Elle a 21 ans en 1936. Elle est divorcée d’un premier mari et a une fille de trois ans, Liberty. A la fin de la Guerre Civile, avec ses cinq frères et soeurs, elle a fui en France et a vécu à Béziers. Comme beaucoup d’exilés, cette couturière n’est jamais retournée en Espagne. Elle est morte en 1977 et est enterrée dans le cimetière de la ville. Anita appartenait à une famille anarchiste, mais elle était aussi catholique. Elle allait régulièrement à l’église, allumait des cierges et priait.
Une sélection des photos de Campañà a été exposée en 2021 au Musée national d’Art de Catalogne (MNAC) de Barcelone (La guerra infinita. Antoni Campañà. La tensión de la mirada. 1906-1989). François Gómez Garbín, neveu d’ Anita, et son épouse, Liliane Hoffman, ont visité l’exposition et ont reconnu leur tante Anita. Ils ont rencontré aussi Toni Monné.
Une autre exposition (Icônes cachées. Les images méconnues de la guerre d’Espagne) vient de commencer à Montpellier ( du 29 juin au 24 septembre 2023 au Pavillon Populaire, Esplanade Charles de Gaulle ). L’ identité de cette icone anarchiste a été révélée par les journaux espagnols ces jours-ci.
Pepito Lumbreras Garbín, fils d’Anita et de José Lumbreras, un communiste espagnol, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, comme ses cousins Alain Gómez Garbín et François Gómez Garbín sont aujourd’hui retraités. Ils ont récupéré la nationalité espagnole grâce à la Loi de Mémoire Historique (Ley de Memoria Histórica) de 2007. Chez les Garbín, on ne parlait jamais de la guerre civile. La mère était anarchiste, le père communiste. Le passé était trop douloureux.