Nathalie de Courson a publié le 27 décembre 2024 sur son blog (Patte de mouette) un texte qu’elle a intitulé Robes de chambre. J’ai relu peu de temps après le poème de Vallejo Dos niños anhelantes.
https://patte-de-mouette.fr/2024/12/27/robes-de-chambre/
” Es la vida no más, de bata y yugo. ” Les traductions de François Maspero et de Gérard de Cortanze sont assez décevantes. La bata a disparu. Elle devient chemise et corsage. Je ne leur jette pas la pierre. César Vallejo est très difficile, sinon impossible à traduire. La meilleure version est, selon moi, celle de Nicole Réda-Euvremer. (Poésie complète 1919-1937. Flammarion, 2009). Je ne l’ai pas sous la main en ce moment et je ne sais pas ce qu’elle propose.
Dos niños anhelantes (César Vallejo)
No. No tienen tamaño sus tobillos; no es su espuela
suavísima, que da en las dos mejillas.
Es la vida no más, de bata y yugo.
No. No tiene plural su carcajada,
ni por haber salido de un molusco perpetuo, aglutinante,
ni por haber entrado al mar descalza,
es la que piensa y marcha, es la finita.
Es la vida no más; sólo la vida.
Lo sé, lo intuyo cartesiano, autómata,
moribundo, cordial, en fin, espléndido.
Nada hay
sobre la ceja cruel del esqueleto;
nada, entre lo que dio y tomó con guante
la paloma, y con guante,
la eminente lombriz aristotélica;
nada delante ni detrás del yugo;
nada de mar en el océano
y nada
en el orgullo grave de la célula.
Sólo la vida; así: cosa bravísima.
Plenitud inextensa,
alcance abstracto, venturoso, de hecho,
glacial y arrebatado, de la llama;
freno del fondo, rabo de la forma.
Pero aquello
para lo cual nací ventilándome
y crecí con afecto y drama propios,
mi trabajo rehúsalo,
mi sensación y mi arma lo involucran.
Es la vida y no más, fundada, escénica.
Y por este rumbo,
su serie de órganos extingue mi alma
y por este indecible, endemoniado cielo,
mi maquinaria da silbidos técnicos,
paso la tarde en la mañana triste
y me esfuerzo, palpito, tengo frío.
2 de noviembre de 1937.
Poemas humanos, 1939.
Ardents désirs de deux enfants
Non. Leurs chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas leur éperon
très doux, qui frappe les deux joues.
C’est la vie, rien de plus, avec joug et chemise.
Non. Leur rire n’a pas de pluriel,
même sorti d’un perpétuel, agglutinant mollusque,
même entré dans la mer pieds nus,
C’est un rire qui pense et qui marche, un rire fini.
C’est la vie, rien de plus ; seulement la vie.
Cela je le sais, je le sens ; cartésien, automatique,
moribond, cordial, splendide enfin.
Il n’y a rien
sur le cil cruel du squelette,
rien entre ce qu’a donné et pris,
avec un gant, la colombe,
et un gant, encore,
l’éminent lombric aristotélicien ;
rien devant ni derrière le joug ;
rien, ni mer ni océan,
rien dans la fierté sévère de la cellule.
Seulement la vie, telle qu’elle est ; âpre et belle.
Plénitude bornée,
portée abstraite, bénéfique, en fait,
glaciale et impétueuse, de la flamme ;
mots du fond, queue de la forme.
Mais ce pour quoi
je suis né, emplissant mes poumons,
et j’ai grandi entouré de tendresse et de drame,
mon travail le refuse,
mes sens et mon arme le figent.
C’est la vie, rien de plus, solide, scénique.
Et sur ce chemin
mon âme éteint sa série d’organes
et sous ce ciel indicible possédé du démon,
ma machinerie lance des sifflements techniques,
je passe la soirée dans la matinée triste
et je me débats, je palpite, j’ai froid.
2 novembre 1937.
Poèmes humains. Éditions du Seuil, 2011. Traduction François Maspero.
Deux enfants haletants
Non. Ses chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas son éperon
si doux, qui touche ses deux joues.
C’est la vie, c’est tout, avec joug et corsage.
Non. Son éclat de rire n’a plus de pluriel,
ni pour être sorti d’un mollusque perpétuel, agglutinant,
ni pour être entré dans la mer déchaussée,
elle est qui pense et qui marche, elle est finie.
Elle est la vie, c’est tout ; rien que la vie.
Je le devine, par intuition, cartésien, automate,
moribond, cordial, splendide enfin.
Il n’y a rien
sur le sourcil cruel du squelette ;
rien, entre ce que donna et prit avec un gant
la colombe, et avec un gant,
l’éminent lombric aristotélicien ;
rien devant ni derrière le joug ;
rien de la mer dans l’océan
et rien
dans l’orgueil grave de la cellule.
Rien que la vie ; ainsi : très dure.
Plénitude inétendue
portée abstraite, heureuse, en fait,
glaciale et emportée, de la flamme ;
frein du fond, queue de la forme.
Mais même cela
Pourquoi je suis né en me ventilant
et pourquoi je grandis avec mon affection et mon drame propres,
mon travail le refuse,
ma sensibilité et mon arme l’involucrent.
C’est la vie, c’est tout, fondée et théâtrale.
Et en suivant cette direction
mon âme éteint sa série d’organes
et en suivant cet indicible, ciel démoniaque,
ma machinerie lance des sifflements techniques,
j’ai vu l’après-midi dans le matin triste
et je m’évertue, je palpite, je grelotte.
2 novembre 1937.
Poésie complète. Traduction Gérard de Constanze. Flammarion, 1983.
Merci pour le lien, Claude. C’est vrai que le poème est difficile ! Pour “bata” : “Avec son joug et sa blouse” (car la “bata” c’est aussi la blouse de travail, non) ?