Antonio Machado

(En réponse au compte Facebook de Marie Paule et Raymond Farina)

On oublie souvent l’humour d’Antonio Machado, sa “socarronería” On l’évoque le plus souvent seulement comme un saint laïc. On oublie ainsi l’homme qu’il était.

Las moscas (Antonio Machado )

Vosotras, las familiares,
inevitables golosas,
vosotras, moscas vulgares,
me evocáis todas las cosas.

¡Oh, viejas moscas voraces,
como abejas en abril,
viejas moscas pertinaces
sobre mi calva infantil!

¡Moscas del primer hastío
en el salón familiar,
las claras tardes de estío
en que yo empecé a soñar!

Y en la aborrecida escuela,
raudas moscas divertidas,
perseguidas
por amor de lo que vuela,

– que todo es volar -, sonoras
rebotando en los cristales
en los días otoñales…
Moscas de todas las horas,

de infancia y adolescencia,
de mi juventud dorada;
de esta segunda inocencia,
que da en no creer en nada,

de siempre… Moscas vulgares,
que de puro familiares
no tendréis digno cantor:
yo sé que os habéis posado

sobre el juguete encantado,
sobre el librote cerrado,
sobre la carta de amor,
sobre los párpados yertos
de los muertos.

Inevitables golosas,
que ni labráis como abejas,
ni brilláis cual mariposas;
pequeñitas, revoltosas,
vosotras, amigas viejas,
me evocáis todas las cosas.

Humorismos, Fantasías, Apuntes… (1899-1907)

Les mouches

Mouches familières,
inévitables et goulues,
mouches vulgaires, vous
évoquez pour moi toutes choses.

Oh ! vieilles mouches voraces
comme abeilles en avril,
vieilles mouches tenaces
sur mon crâne chauve d’enfant !

Mouches du premier vague à l’âme
dans le salon familial,
en ces claires soirées d’été
quand je commençais à rêver !

Et à l’école détestée,
mouches folâtres et rapides,
poursuivies
par amour de ce qui vole,

— car tout n’est que vol — bruyantes,
rebondissant sur les vitres,
les jours d’automne…
Mouches de toutes les heures,

d’enfance et d’adolescence,
de ma jeunesse dorée,
de cette seconde innocence
qui se targue de ne croire en rien,

de toujours… Mouches vulgaires,
si familières que nul ne saura
dignement vous chanter :
je sais, vous vous êtes posées

sur le jouet enchanté,
sur le bouquin fermé,
sur la lettre d’amour,
sur les paupières glacées
des morts.

Inévitables et goulues,
non pas diligentes comme les abeilles,
ni, comme les papillons, brillantes ;
petites, espiègles,
vous, mes vieilles amies,
évoquez pour moi toutes choses.

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.

Madrid. Librería Antonio Machado. Plaza de las Salesas, 11. (CF)

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