Je remercie Marie Paule et Raymond Farina qui publient jour après jour sur Facebook des textes qui font du bien : aujourd’hui le poème Oda a la bicicleta de Pablo Neruda.
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Il m’a rappelé Balada de la bicicleta con alas de Rafael Alberti qui figurait dans le temps dans les manuels scolaires d’espagnol.
Balada de la bicicleta con Alas (Rafael Alberti)
1
A los cincuenta años, hoy, tengo una bicicleta.
Muchos tienen un yate
y muchos más un automóvil
y hay muchos que también tienen ya un avión.
Pero yo,
a mis cincuenta años justos, tengo sólo una bicicleta.
He escrito y publicado innumerables versos.
Casi todos hablan del mar
y también de los bosques, los ángeles y las llanuras.
He cantado las guerras justificadas,
la paz y las revoluciones.
Ahora soy nada más que un desterrado.
Y a miles de kilómetros de mi hermoso país,
con una pipa curva entre los labios,
un cuadernillo de hojas blancas y un lápiz
corro en mi bicicleta por los bosques urbanos,
por los caminos ruidosos y calles asfaltadas
y me detengo siempre junto a un río,
a ver cómo se acuesta la tarde y con la noche
se le pierden al agua las primeras estrellas.
2
Es morada mi bicicleta
y alegre y plateada como cualquiera otra.
Mas cuando gira el sol en sus ruedas veloces,
de cada uno de sus radios llueven chispas
y entonces es como un antílope,
como un macho cabrío, largo de llamas blancas,
o un novillo de fuego que embistiera los azules del día.
3
¿Qué nombre le pondría hoy, en esta mañana,
después que me ha traído,
que me ha dejado sin decírmelo apenas
al pie de estas orillas de bambúes y sauces
y la miro dormida, abrazada de yerbas dulcemente,
sobre un tronco caído?
…
Cabra feliz de las pendientes.
Eral de las cañadas.
Niña escapada de la aurora.
Luna perdida.
Gabriel arcángel.
La llamaré con este frágil nombre.
Porque son sus dos alas blancas las que me llevan,
Anunciándome el aire de todos los caminos.
4
Yo sé que tiene alas.
Que por las noches sueña
en alta voz la brisa
de plata de sus ruedas.
Yo sé que tiene alas.
Que canta cuando vuela
dormida, abriendo al sueño
una celeste senda.
Yo sé que tiene alas.
Que volando me lleva
por prados que no acaban
y mares que no empiezan.
Yo sé que tiene alas.
Que el día que ella quiera,
los cielos de la ida
ya nunca tendrán vuelta.
Ballade de la bicyclette ailée
1
À cinquante ans, aujourd’hui, j’ai ma bicyclette.
Beaucoup ont un yacht
et beaucoup plus encore ont une automobile ;
il en est même beaucoup qui ont déjà un avion.
mais moi,
à cinquante ans tout juste, je n’ai qu’une bicyclette.
J’ai écrit et j’ai publié des vers sans nombre.
Presque tous parlent de la mer
et aussi des bois, des anges, des plaines.
J’ai chanté les guerres justifiées,
la paix et les révolutions.
et maintenant je ne suis plus qu’un exilé.
À des milliers de kilomètres de mon beau pays,
avec ma pipe courbe aux lèvres,
un petit bloc de feuillets blancs et un crayon,
je cours à bicyclette dans les bois urbains,
dans les chemins bruyants et les rues goudronnées,
et je m’arrête toujours près d’une rivière
voir comment se couche le soir, comment avec la nuit
se perdent dans les eaux les premières étoiles.
2
Elle est violette ma bicyclette,
joyeuse aussi et argentée comme toutes les autres.
mais quand le soleil tourne dans ses roues rapides,
chacun de ses rayons laisse pleuvoir des étincelles,
et alors elle ressemble à une antilope
ou à un bouc, un long bouc tout de flammes blanches,
ou un taurillon de feu fonçant droit sur les bleus du jour.
3
Quel nom lui donner ce matin
maintenant qu’elle m’a conduit
et qu’elle m’a laissé presque sans me le dire
au pied de cette rive de saules et de bambous,
tandis que je la regarde endormie, doucement caressée
par l’herbe, sur un tronc tombé ?
Courlis des bois.
Étoile filante des fées.
Toile d’araignée embrasés des sylphes.
Rose double du vent.
Marguerite bicorne des prairies.
Heureuse chèvre des versants.
Jeune taureau des gorges.
Fillette échappée de l’aurore.
Lune perdue.
Archange Gabriel.
Je vais l’appeler de ce nom fragile.
Car ce sont ses deux ailes blanches qui me portent,
en m’annonçant au vent de tous les chemins.
4
Je sais qu’elle a des ailes.
Et que chaque nuit rêve
à haute voix la brise
argentée de ses roues.
Je sais qu’elle a des ailes.
Qu’elle chante en volant,
dormeuse ouvrant au rêve
un céleste sentier.
Je sais qu’elle a des ailes.
Et que son vol m’emporte
parmi des prés sans fin
et des mers sans rivages.
Je sais qu’elle a des ailes.
Et qu’au jour de son choix
les cieux de notre aller
n’auront plus de retour.
Traduction: Claude Couffon.