J’ai trouvé hier à la bibliothèque une formidable anthologie de poètes européens du XX ème siècle choisis par Philippe Jaccottet. Je relis quelques poèmes à la nuit tombée dont celui si célèbre d’Antonio Machado. Coup de blues du mois de septembre.
Philippe Jaccottet. D’autres astres, plus loin, épars. Poètes européens du XX ème siècle. Domaine étranger. La Dogana, Genève, octobre 2005.
CXXVI. A José Maria Palacio
Palacio, buen amigo,
¿está la primavera
vistiendo ya las ramas de los chopos
del río y los caminos? En la estepa
del alto Duero, primavera tarda,
¡pero es tan bella y dulce cuando llega!…
¿Tienen los viejos olmos
algunas hojas nuevas?
Aún las acacias estarán desnudas
y nevados los montes de las sierras.
¡Oh mole del Moncayo blanca y rosa,
allá, en el cielo de Aragón, tan bella!
¿Hay zarzas florecidas
entre las grises peñas,
y blancas margaritas
entre la fina hierba?
Por esos campanarios
ya habrán ido llegando las cigüeñas.
Habrá trigales verdes,
y mulas pardas en las sementeras,
y labriegos que siembran los tardíos
con las lluvias de abril. Ya las abejas
libarán del tomillo y el romero.
¿Hay ciruelos en flor? ¿Quedan violetas?
Furtivos cazadores, los reclamos
de la perdiz bajo las capas luengas,
no faltarán. Palacio, buen amigo,
¿tienen ya ruiseñores las riberas?
Con los primeros lirios
y las primeras rosas de las huertas,
en una tarde azul, sube al Espino,
al alto Espino donde está su tierra…
Baeza, 29 de abril de 1913
Campos de Castilla. 1907-1917.
CXXVI. Á José María Palacio
Palacio, mon ami,
le printemps déjà
revêt-il les branches des peupliers
de la rivière et des chemins ? Sur la steppe
du haut Douro, le printemps est tardif,
mais il est si beau, si doux quand il arrive !…
Les vieux ormes ont-ils
quelques feuilles nouvelles ?
Les acacias encore doivent être nus
et enneigés les monts des sierras;
Oh! masse du Moncayo, blanche et rose,
là-bas, sur le ciel d’Aragon, si belle !
Y-a-t-il des broussailles fleuries
entre les rochers gris,
de blanches pâquerettes
dans l’herbe fine ?
Sur vos clochers
les cigognes déjà sont sans doute arrivées.
Il doit y avoir des champs de blé verdis
et des mules grises parmi les semailles,
et des paysans semant les plantes tardives
avec les pluies d’avril. Les abeilles déjà
butineront le thym et le romarin.
Y a-t-il des pruniers en fleur ? Reste-t-il des violettes ?
Il y a sans doute des chasseurs furtifs
dissimulant sous leurs longues capes
l’appeau des perdrix. Palacio, mon ami,
est-ce que sur les rives chantent les rossignols ?
Dès les premiers iris
et les premières roses des jardins,
par un après-midi d’azur, monte à l’Espino,
Là-haut sur l’Espino où se trouve sa terre…
Baeza, 29 avril 1913.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Antonio Machado (1875-1939) obtient en 1907 une place de professeur de français à Soria. Il y rencontre Leonor Izquierdo Cuevas, avec laquelle il se marie le 30 juillet 1909. Il a 34 ans, Leonor 15 seulement. Elle meurt de tuberculose le 1 août 1912. Très affecté, le poète quitte Soria pour ne jamais y retourner. Il obtient sa mutation à Baeza, dans la province de Jaén (Andalousie), où il reste jusqu’en 1919. Entre 1919 et 1932, il est professeur de français à Ségovie, près de Madrid. Á partir de 1932, il réside à Madrid. Lorsqu’éclate la Guerre civile en juillet 1936, Antonio Machado est à Madrid. Il met sa plume au service de la République. En novembre 1936, il est évacué avec sa mère, Ana Ruiz, et deux de ses frères, Joaquín et José, à Valence, puis en 1938 à Barcelone. Le 22 janvier 1939, ils sont contraints de fuir vers la France. Arrivé à Collioure, à quelques kilomètres de la frontière, Antonio Machado meurt épuisé le 22 février 1939, trois jours avant sa mère. Il est enterré à Collioure, tandis que la tombe de Leonor se trouve à Soria (Cementerio del Espino).