Oviedo (Asturias)

Les églises préromanes et romanes des Asturies sont magnifiques. Entre le VIIIe  et le Xe  siècle s’est développé dans ce royaume un art de cour très évolué. Pelayo règne à partir de 718 et meurt à Cangas de Onís en 737. Il a résisté à l’invasion musulmane dans la cordillère Cantabrique. C’est alors que se crée une architecture originale. Elle est encouragée par certains des successeurs de Pelayo comme Alfonso II el Casto (783 et 791-842), Ramiro I (842 – 850) et Alfonso III el Magno (866-910). La cour s’établit d’abord à Cangas de Onís. L’église de la Santa Cruz (737), de transition wisigothique, est construite sur un dolmen. Oviedo devient ensuite la capitale. Les églises San Salvador, San Tirso (  IXe siècle) et San Julián de los Prados ou Santullano (première moitié du IXe siècle) sont de beaux témoignages de cet art. Les sanctuaires de Santa María del Naranco (842) et San Miguel de Lillo (vers 848) qui se trouvent sur le mont Naranco, à 4 kilomètres du centre-ville, présentent la même structure. C’est le cas aussi de San Salvador de Valdediós ( 892), « El Conventín », situé sur la commune de Villaviciosa . Ces églises se caractérisent par les lignes ascendantes de leur construction. Elles adoptent des basiliques latines le plan rectangulaire à trois nefs et narthex, les arcades en plein cintre séparant les nefs, et le vaste transept précédant un chevet tripartite. La décoration intérieure reprend l’usage des fresques et emprunte à l’Orient les motifs des chapiteaux ou jambages de portes (entrelacs, jeux du cirque à San Miguel de Lillo) ou les fenêtres à claustras.

Oviedo, San Julián de los Prados ou Santullano (première moitié du IXe siècle).
Christ en majesté. XIIIe siècle. Oviedo, San Julián de los Prados ou Santullano.
Oviedo, Iglesia de Santa María de Naranco. 842.
Oviedo, Iglesia de San Miguel de Lillo. Vers 848.

J’ai revu par curiosité en DVD le film de Woody Allen, Vicky Cristina Barcelona sorti en 2008. Ce n’est pas, loin s’en faut, un grand film. Le cinéaste y montre sa fascination pour Barcelone, mais aussi pour Oviedo.

À Barcelone, Vicky et Cristina (Rebecca Hall et Scarlett Johansson), deux Américaines, sont hébergées pour l’été chez de lointains parents de Vicky. Juan Antonio, un peintre (Javier Bardem), leur propose de venir passer un week-end à Oviedo pour visiter la ville et passer du bon temps ensemble. Les deux amies s’envolent avec lui. La situation se complique plus tard quand réapparaît María Elena (Penelope Cruz), l’ex-femme de Juan Antonio, avec laquelle il entretient une relation encore violente après un divorce où elle a manqué de le tuer…

Barcelone joue un rôle central, mais certaines séquences importantes ont été tournées aux Asturies, à Oviedo et à Avilés. Javier Bardem est fasciné par le Christ en majesté (XIIIe siècle) de l’église de San Julián de los Prados. Il les emmène là-bas ainsi qu’à Santa María del Naranco. Dans le film, on voit même la mythique confiserie Camilo de Blas (Calle Jovellanos, 7), fondée en 1914.

Oviedo. Confitería Camilo de Blas. 1914.

La ville d’Oviedo offre au regard du visiteur plus de 100 statues dans ses rues. Woody Allen a aussi la sienne depuis 2003. En 2002, le cinéaste a reçu là le prix Prince des Asturies de la main de celui qui allait devenir roi d’Espagne en 2014, le futur Felipe VI. Il expliquait à l’époque qu’Oviedo était une ville « délicieuse, exotique, belle, propre, agréable, tranquille et piétonne. » («Oviedo es una ciudad deliciosa, exótica, bella, limpia, agradable, tranquila y peatonalizada; es como si no perteneciera a este mundo, como si no existiera… Oviedo es como un cuento de hadas».) Cette phrase figure au pied de la statue. Pourtant, Woody Allen marche les mains dans les poches, sérieux et pensif.

Oviedo. Statue de Woody Allen (Vicente Menéndez-Santarúa). 2003. Calle Milicias Nacionales.

Sources :

Espagne atlantique (Pays basque, Navarre, Cantabrie, Asturies, Galice, La Rioja). Le Guide Vert, 2023. Michelin Éditions.

Vicky Cristina Barcelona. DVD Warner Bros. Entertainment. 97 minutes. Voir la bande-annonce.

https://store.potemkine.fr/dvd/5051889002079-vicky-cristina-barcelona-woody-allen/

Juan Ramón Jiménez

Juan Ramón Jiménez (1881-1958) (Daniel Vázquez Díaz)

Distinto

Lo querían matar
los iguales,
porque era distinto.

Si veis un pájaro distinto,
tiradlo;
si veis un monte distinto,
caedlo;
si veis un camino distinto,
cortadlo;
si veis una rosa distinta,
deshojadla;
si veis un río distinto,
cegadlo…
si veis un hombre distinto,
matadlo.

¿Y el sol y la luna
dando en lo distinto?

Altura, olor, largor, frescura, cantar, vivir
distinto
de lo distinto;
lo que seas que eres,
distinto
(monte, camino, rosa, río, pájaro, hombre):
si te descubren los iguales,
huye a mí,
ven a mi ser, mi frente, mi corazón distinto.

Una colina meridiana, 1942-1950. Huerga y Fierro editores, 2003.

Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature 1956.

(Merci à Félix Molina / Ofelia)

José Hierro

Nous avons passé une semaine en Cantabrie et aux Asturies du 10 au 17 juin 2024. Magnifiques paysages de l’Espagne atlantique.

Dernier jour à Santander le 17 juin. Aujourd’hui, je classe mes photos et je pense au poète José Hierro (Quinta del 42). Le monument au poète se trouve sur la promenade de la Baie de Santander, entre le Club Maritime et le monument aux Raqueros.

Monumento a los Raqueros (José Cobo Calderón). 1999.

Les 4 statues en bronze représentent 4 enfants. L’un est debout et regarde l’eau. Deux sont assis. Un plonge dans le port. Elles rendent hommage aux enfants pauvres qui, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, plongeaient dans l’eau froide de l’Atlantique pour récupérer des pièces de monnaie.

Ces vers sont inscrits dans la pierre du monument à José Hierro :

“Si muero, que me pongan desnudo,
desnudo junto al mar.
Serán las aguas grises mi escudo
y no habrá que luchar.”

Junto al mar in Quinta del 42, 1952.

” Si je meurs, mettez-moi à nu,
nu à côté de la mer.
Les eaux grises seront mon bouclier
et je n’aurai pas à lutter “.

Santander. Monument à José Hierro (Gema Soldevilla). 2008. Sept plaques d’acier placées sur un socle de béton et de pierre.

Paseo

Sin ternuras, que entre nosotros
sin ternuras nos entendemos.
Sin hablarnos, que las palabras
nos desaroman el secreto.
¡Tantas cosas nos hemos dicho
cuando no era posible vernos!
¡Tantas cosas vulgares, tantas
cosas prosaicas, tantos ecos
desvanecidos en los años,
en la oscura entraña del tiempo!
Son esas fábulas lejanas
en las que ahora no creemos.
Es octubre. Anochece. Un banco
solitario. Desde él te veo
eternamente joven, mientras
nosotros nos vamos muriendo.
Mil novecientos treinta y ocho.
La Magdalena. Soles. Sueños.
Mil novecientos treinta y nueve,
¡comenzar a vivir de nuevo!
Y luego ya toda la vida.
Y los años que no veremos.
Y esta gente que va a sus casas,
a sus trabajos, a sus sueños.
Y amigos nuestros muy queridos,
que no entrarán en el invierno.
Y todo ahogándonos, borrándonos.
Y todo hiriéndonos, rompiéndonos.
Así te he visto: sin ternuras,
que sin ellas nos entendemos.
Pensando en ti como no eres,
como tan solo yo te veo.
Intermedio prosaico para
soñar una tarde de invierno.

Quinta del 42, 1952.

José Hierro est né le 3 avril 1922 à Madrid, mais a passé son enfance et son adolescence à Santander. Il a toujours eu la passion de la mer et a gardé un lien très fort avec sa région d’origine, la Cantabrie. Il doit abandonner ses études au début de la Guerre Civile. Son père, Joaquín Hierro, fonctionnaire du télégraphe, républicain, est emprisonné par les franquistes de 1937 à 1941. Lui-même se retrouve en prison en 1939 pour avoir donné son appui à une organisation d’aide aux prisonniers politiques. Il est jugé deux fois et condamné à douze ans et un jour de réclusion. Il connaîtra les prisons de Madrid (Comendadoras, Torrijos, Porlier), Palencia, Santander, Segovia et Alcalá de Henares.
Son expérience poétique part de l’expérience extrême de l’après-guerre civile et de l’enfermement. Ses maîtres sont Lope de Vega, San Juan de la Cruz, Rubén Darío et Juan Ramón Jiménez. Il donnera le prénom de ce dernier à un de ses fils. Il a aussi beaucoup lu les poètes de la Génération de 1927 ainsi que Baudelaire, Mallarmé et Paul Valéry.
Á sa sortie de prison le premier janvier 1944, José Hierro occupe de nombreux emplois alimentaires. Il épouse en 1949 María de los Ángeles Torres (décédée le 17 juin 2020). Ils ont eu quatre enfants.
Il a obtenu en 1998 Prix Cervantès, le plus prestigieux de la littérature hispanique.
Il devient membre de la Real Academia Española en 1999.
Son recueil Cuaderno de Nueva York (Le Cahier de New York), publié en 1998 et qui regroupe trente trois poèmes, devient en Espagne un véritable best-seller.
Il meurt le 21 décembre 2002 dans un hôpital madrilène à l’âge de 80 ans d’une insuffisance respiratoire.
L’oeuvre de José Hierro est peu traduite en français.
1951 Poèmes. Pierre Seghers. Traduction Roger Noël-Mayer.
2014 Tout ce que je sais de moi. Circé. Traduction Emmanuel Le Vagueresse.

Poesías completas (1947-2002). Colección Visor de Poesía. Serie Maior, n.° 014. 2009.