Francisco de Quevedo

Sculpture de Francisco de Quevedo. Balcon de la calle Escritorios, nº 11. Alcalá de Henares (Comunidad de Madrid ).

Francisco Gómez de Quevedo Villegas y Santibáñez Cevallos est né, probablement, le 14 septembre 1580 à Madrid. Il est mort le 8 septembre 1645 à Villanueva de los Infantes (Ciudad Real).
Il était laid, boiteux et myope (en espagnol, los quevedos, ce sont les lorgnons). Il avait deux passions : la politique et l’écriture. Cet homme incarne toutes les contradictions de l’Espagne décadente de son époque. Il est réactionnaire, misogyne, antisémite et arriviste. Il attaque férocement la “nouvelle poésie”, et particulièrement Góngora et Lope de Vega. Il connaîtra l’exil et la prison. Il est enfermé de 1639 à 1643 par le Conde-Duque de Olivares, ministre favori de Philippe IV, dans un cachot du Couvent de San Marcos de León, prison misérable et humide, où sa santé se dégrade. Pendant la Guerre Civile espagnole, cet endroit servira de camp de concentration pour les prisonniers républicains. De 15 000 à 20 000 personnes y furent enfermées. Beaucoup seront fusillés. La population carcérale atteindra jusqu’à 6 700 hommes. C’est aujourd’hui un luxueux parador.
Quevedo est un maître de l’écriture conceptiste. Son oeuvre, d’un pessimisme noir est toujours hantée par la mort. Elle a eu une influence considérable sur Rubén Darío, César Vallejo, Jorge Luis Borges, Pablo Neruda, Octavio Paz, Miguel de Unamuno, Ramón del Valle-Inclán, Jorge Guillén, Dámaso Alonso, Miguel Hernández, Blas de Otero, Camilo José Cela…

Convento de San Marcos de León (1515-1716), chef d’oeuvre du style plateresque espagnol.

Salmo XIX

¡Cómo de entre mis manos te resbalas!
¡Oh, cómo te deslizas, edad mía!
¡Qué mudos pasos traes, oh muerte fría,
pues con callado pie todo lo igualas!

Feroz de tierra el débil muro escalas,
en quien lozana juventud se fía;
mas ya mi corazón del postrer día
atiende el vuelo, sin mirar las alas.

¡Oh condición mortal! ¡Oh dura suerte!
¡Que no puedo querer vivir mañana,
sin la pensión de procurar mi muerte!

¡Cualquier instante de la vida humana
es nueva ejecución, con que me advierte
cuán frágil es, cuán mísera, cuán vana.

Psaume XIX

Entre mes mains oh ! comme tu ruisselles
mon âge, comme tu t’évanouis :
Oh ! froide mort, quels pas tu fais, sans bruit :
d’un pied muet, c’est tout que tu nivelles.

Féroce, au faible mur tu mets l’échelle
en qui la fraîche jeunesse se fie ;
pourtant mon coeur du dernier jour épie
déjà le vol, sans regarder ses ailes.

Oh ! condition mortelle ! oh ! âpre sort !
Car je ne puis vouloir vivre demain
sans le souci de rechercher ma mort !

Et chaque instant de cette vie humaine
est une exécution qui dit combien
elle est fragile et pauvre, et combien vaine.

Les furies et les peines. 102 sonnets. 2010. Traduction Jacques Ancet. Collection NRF Poésie/Gallimard. N°463.

Notes
Vers 1-2 : « Il est certain que l’homme, dès qu’il naît, commence à mourir, et que le pied nouveau-né qui ne peut faire un pas dans la vie, le fait dans la mort. » Providencia de Dios, cité par Juan Manuel Blecua dans Poemas escogidos. Clásicos Castalia, Madrid, 1989. Salmo XVIII : “Antes que sepa andar el pie, se mueve camino de la muerte…” ( ” Vient-il déjà le pied à naître à peine, qu’il marche vers la mort… “

Vers 14 : Cette idée, venue de Sénèque, Quevedo la répète souvent : « Omnia mors poscit. Lex est, non poena, perite. » (« La mort emporte tout. C’est une loi, non un châtiment, que de mourir. »)

Des prisonniers dans le patio du Couvent de San Marcos.

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