Jorge Luis Borges

Hier, nous avons parlé avec mon ami Patrick de ce curieux texte de Borges. Merci à Manuel et à Ivan qui me l’avaient transmis.

Le Velue.

La peluda de La Ferté Bernard

A orillas del Huisne, arroyo de apariencia tranquila, merodeaba durante la Edad Media la Peluda (La velue). Este animal habría sobrevivido el Diluvio, sin haber sido recogido en el arca. Era del tamaño de un toro; tenía cabeza de serpiente, un cuerpo esférico cubierto de un pelaje verde, armado de aguijones cuya picadura era mortal. Las patas eran anchísimas, semejantes a las de la tortuga; con la cola, en forma de serpiente, podía matar a las personas y a los animales. Cuando se encolerizaba, lanzaba llamas que destruían las cosechas. De noche, saqueaba los establos. Cuando los campesinos la perseguían, se escondía en las aguas del Huisne que hacía desbordar, inundando toda la zona.
Prefería devorar los seres inocentes, las doncellas y los niños. Elegía a la doncella más virtuosa, a la que llamaban la Corderita (L’agnelle). Un día, arrebató a una Corderita y la arrastró desgarrada y ensangrentada al lecho del Huisne. El novio de la víctima cortó con una espada la cola de la Peluda, que era su único lugar vulnerable. El monstruo murió inmediatamente. Lo embalsamaron y festejaron su muerte con tambores, con pífanos y danzas.

El libro de los seres imaginarios, 1967. 1969 con Margarita Guerrero.

La Velue de La Ferté-Bernard

Aux bords de l’Huisne, rivière d’apparence tranquille, maraudait durant le Moyen Âge la Velue. Cet animal aurait survécu au Déluge, sans être recueilli dans l’Arche. Elle était de la taille d’un taureau ; elle avait une tête de serpent, un corps sphérique couvert d’un pelage vert, armé d’aiguillons dont la piqûre était mortelle. Les pattes étaient très larges, semblables à celles de la tortue ; avec la queue, en forme de serpent, elle pouvait tuer les hommes et les animaux. Quand elle se mettait en colère, elle lançait des flammes qui détruisaient les récoltes. De nuit, elle saccageait les étables. Quand les paysans la poursuivaient, elle se cachait dans les eaux de l’Huisne qu’elle faisait déborder, inondant toute la région.
Elle préférait dévorer les êtres innocents, les jeunes filles et les enfants. Elle choisissait la plus vertueuse jeune fille, celle qu’on appelait l’Agnelle. Un jour, elle ravit une agnelle et elle la traîna déchirée et sanglante jusqu’au lit de l’Huisne. Le fiancé de la victime coupa avec une épée la queue de la Velue, qui était son seul endroit vulnérable. Le monstre mourut immédiatement. On l’embauma et on fêta sa mort avec des tambours, des fifres et des danses.

Le livre des êtres imaginaires. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Gonzalo Estrada, Yves Péneau et Françoise Rosset. Gallimard, L’imaginaire. 1987. Ecrit avec la collaboration de Margarita Guerrero.

L’Huisne entre la Tonnelière et Boissy-Maugis (Orne). Le Perche.

André Blanchard

La bonne nouvelle du printemps : Dominique Gaultier, directeur du Dilettante, publie un gros recueil (1008 pages) qui regroupe les carnets et chroniques d’André Blanchard qui avaient été publiés chez d’autres éditeurs : De littérature et d’eau fraîche (carnets 1988-1989), Erti, 1992 ; Messe basse (carnets 1990-1992), Erti, 1995 ; Impasse de la défense (carnets 1993-1995), Erti, 1998 ; Petites nuits (carnets 2000-2002), Maé-Erti, 2004 ; Impressions, siècle couchant (chroniques), Erti, 1998 ; Impressions, siècle couchant II (chroniques), Erti, 2001. Un grand merci à lui ! Toute l’oeuvre de cet auteur méconnu est maintenant publiée au Dilettante.

On y trouve cette lettre de l’éditeur à son auteur, décédé à Vesoul le 29 septembre 2014.

Cher André,
Voilà près de quarante ans que je frime en rappelant ce qu’est un dilettante sur tous les rabats des livres que je publie : Personne qui s’adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne se fie qu’à l’impulsion de ses goûts.
Avec vous, pourtant, j’ai dérogé à cette règle : je me suis préoccupé de trésorerie plutôt que de plaisir et vous avez pâti de ma mesquinerie. En 1988, petit éditeur famélique, j’ai reçu votre premier manuscrit par la poste. J’ai été emballé, je l’ai publié. C’était un carnet de pensées, de lectures, de réflexions, de libertés, autant dire le carnet d’un dilettante. D’ailleurs c’était son titre : En dilettante. Nous le rebaptisâmes Entre chien et loup.
J’étais emballé, mais j’étais fauché, et lucide aussi, il faut bien l’avouer – des carnets, les carnets d’un inconnu… à qui diable allais-je pouvoir les fourguer ? – aussi vous ai-je demandé, à l’avenir, de songer plutôt à un roman. Vous demander un roman ! Qu’est-ce qui m’a pris ?
Vous avez essayé, je vous ai refusé et je vous ai perdu. Vous avez écrit d’autres carnets que d’autres ont publiés et que personne ou presque n’a lus. Quel dommage ! J’aurais dû vous faire confiance. Je n’aurais sans doute pas réussi beaucoup mieux sur le plan commercial, mais, du moins, vous aurais-je épargné cet humiliant refus, et à moi, le ridicule.
Aujourd’hui que je suis moins fauché grâce à des romans que je n’ai jamais eu à réclamer, je peux enfin réparer cette bévue : ce précieux volume contient tout ce que j’aurais dû éditer.
Vous n’êtes plus là pour le voir, hélas, mais je vais me battre pour vous trouver les lecteurs que vous méritez.

Pardonnez-moi, cher André, tout ce temps perdu.

Dominique Gaultier

Nota bene : lors de la réédition en 2007 de Entre chien et loup, André Blanchard évoqua, dans sa préface, ses débuts d’écrivain.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/03/14/andre-blanchard/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/03/22/un-debut-loin-de-la-vie-carnets-1978-1986-notes-dun-dilettante-andre-blanchard/

André Blanchard, De littérature et d’eau fraîche. Carnets 1988-1989.

« Désormais, fini de jouer l’ingénu : je garde sous le boisseau mes voeux de Premier de l’an. Que la nouvelle année n’attende rien de moi. Faisons comme si nous ne connaissions pas – ce qui ne va pas être dur. Et si d’aventure nous avons à traiter affaire ensemble, il sera assez tôt pour les présentations : – 1988 ? Ah ! Enchanté ! Moi, c’est Blanchard, avec un D comme déchéance , etc. »

” Des soucis en broussaille. “

” Des lendemains qui chantent faux. “

” Le bonheur ? Chacun sait ce que cela ne veut pas dire. “

” Retomber en enfance.
– Dessine-moi une illusion.”

Pierre Bergounioux

Les oiseaux. Belopolie, 2022. Collection “Penser, décider, agir”.

« C’était le temps où les années enferment tant de choses, de sentiments, de pensées qu’elles durent, chacune, une sorte d’éternité. Et c’est lorsque, fâché contre moi-même, rembruni, j’allais reprendre ma marche que la haute, l’éclatante tirade retentissait à nouveau. Et alors, rien n’était plus pareil. Il faisait aussi sombre, aussi froid mais l’oiseau m’annonçait que les beaux jours étaient en marche, au loin. Il les voyait, lui, de la plus haute branche ou de l’antenne de télévision où il était juché. On ne l’entendrait plus de la journée mais un soir, pas forcément celui du même jour, il ratifiait sa promesse. Chaque année, j’ai passé de longs moments, accoudé à l’appui de ma fenêtre, sous les combles, à ne rien faire que l’écouter, infime point sombre d’où rayonnait le chant augural et glorieux. » (page 9)

Épilogue

” En France, le nombre d’oiseaux a chuté d’un tiers en quinze ans. Les populations d’espèces communes ont baissé de près de 28 % entre 1989 et 2021, ce qui représente 560 à 620 millions d’oiseaux disparus. En cause, la destruction des espaces naturels comme lieux de développement et d’alimentation, les pollutions liées au produits phytosanitaires, les nuisances lumineuses et sonores.” (page 31)