Nostalgie d’un voyage. Du 16 janvier au 1 février 2018 : Voyage au Chili entre cordillère et Pacifique.
VIII
Amo, Valparaíso, cuanto encierras,
y cuanto irradias, novia del océano,
hasta más lejos de tu nimbo sordo.
Amo la luz violeta con que acudes
al marinero en la noche del mar,
y entonces eres -rosa de azahares-
luminosa y desnuda, fuego y niebla.
Que nadie venga con un martillo turbio
a golpear lo que amo, a defenderte:
nadie sino mi ser por tus secretos:
nadie sino mi voz por tus abiertas
hileras de rocío, por tus escalones
en donde la maternidad salobre
del mar te besa, nadie sino mis labios
en tu corona fría de sirena,
elevada en el aire de la altura,
oceánico amor, Valparaíso,
reina de todas las costas del mundo,
verdadera central de olas y barcos,
eres en mí como la luna o como
la dirección del aire en la arboleda.
Amo tus criminales callejones,
tu luna de puñal sobre los cerros,
y entre tus plazas la marinería
revistiendo de azul la primavera.
Que se entienda, te pido, puerto mío,
que yo tengo derecho
a escribirte lo bueno y lo malvado
y soy como las lámparas amargas
cuando iluminan las botellas rotas.
Canto general, 1950.
VIII
J’aime, Valparaiso, tout ce que tu renfermes
ou que tu irradies, ô fiancée de l’océan,
hors de ton nimbe sourd et bien au-delà.
J’aime ta lumière si si crue quand tu accours
au-devant du marin dans la nuit de la mer :
tu es alors – rose aux pétales d’oranger –
radieuse nudité, tu es feu et brouillard.
Que nul ne vienne avec un marteau équivoque
frapper cela que j’aime, te défendre :
qu’il n’y ait que moi seul errant dans tes secrets :
qu’il n’y ait que ma voix au milieu de tes haies
d’embruns à découvert, et sur tes escaliers
où la maternité saumâtre de la mer
te donne son baiser, qu’il n’y ait que mes lèvres
sur ta froide couronne de sirène,
élevée dans l’air des hauteurs,
amour océanique, valparaiso.
Reine de toutes les côtes du monde,
authentique centrale de vagues et de bateaux,
tu es en moi comme la lune ou comme
la direction du vent au sein de la forêt.
J’aime tes ruelles criminelles,
ta lune de poignard au-dessus des coteaux,
et d’une place à l’autre tes marins
habillant de bleu le printemps.
Qu’on sache, port, mon port, écoute-moi,
que j’ai le droit
de t’écrire au sujet du meilleur et du pire,
moi qui ressemble à ces tempêtes amères
éclairant les tessons des bouteilles brisées.
Chant général. 1977. NRF. Poésie/Gallimard n°182. 1984. Traduction : Claude Couffon. http://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/07/13/pablo-neruda/