Le 1 août, l’île de Pâques (Rapa Nui -163,6 km²) se prépare à recevoir à nouveau des touristes après 28 mois de fermeture due à la pandémie.
L’île a perdu 2000 de ses 7 700 habitants. En effet, 71 % de la population vivait du tourisme. Il n’ y a plus de vols réguliers depuis le 16 mars 2020. La réouverture se fera graduellement. Les premiers mois, il n’ y aura que deux vols commerciaux par semaine (compagnie Latam), soit 600 passagers. Cela ne représente qu’un tiers des passagers qui visitaient l’île auparavant (16 vols hebdomadaires). 11 des 24 sites touristiques vont rouvrir : la plage d’ Anakena, la carrière Rano Raraku, berceau de la culture de l’île, le site d’ Ahu Akivi et ses sept moais. Le chômage concerne actuellement 58 % de la population active. Avant la pandémie, l’île recevait 156.000 visiteurs par an ce qui générait 120 millions de dollars de recettes (119 millions d’euros). Le programme Pro Empleo a donné du travail à 800 personnes qui sont occupées au nettoyage des côtes, aux plantations et à la promotion d’ activités culturelles. Le Ministère de l’Économie chilien a annoncé la semaine dernière le déblocage d’un fonds de 700.000 dollars (694.000 euros) pour l’aide aux PME. Plus d’une centaine ont fermé Ce qui empêche une réouverture complète, c’est la faiblesse du système sanitaire. L’île fait partie de la région de Valparaíso qui se trouve à 3526 kilomètres. Elle ne possède qu’un hôpital et dix-huit lits. En cas d’urgence, il faut faire appel à un avion-ambulance qui transporte les patients jusqu’au continent en 5 heures et demie, Pedro Edmunds Paoa, maire élu depuis 1994, se plaint du manque d’aides du gouvernement central. Celui-ci veut atteindre un taux de vaccination de la population de 80 %. Il n’est actuellement que de 73 %. Il n’ y a eu aucun décès pour cause de Covid dans l’île.
Informations tirées de l’article d’Antonia Laborde (El País, 18 juillet 2022) : La Isla de Pascua se prepara para mostrar de nuevo su misterioso patrimonio tras dos años de aislamiento .
Rapa Nui (Pablo Neruda)
Tepito-Te-Henúa, ombligo del mar grande,
taller del mar, extinguida diadema.
De tu lava escorial subió la frente
del hombre más arriba del Océano,
los ojos agrietados de la piedra
midieron el ciclónico universo,
y fue central la mano que elevaba
la pura magnitud de tus estatuas.
Tu roca religiosa fue cortada
hacia todas las líneas del Océano
y los rostros del hombre aparecieron
surgiendo de la entraña de las islas,
naciendo de los cráteres vacíos
con los pies enredados al silencio.
Fueron los centinelas y cerraron
el ciclo de las aguas que llegaban
desde todos los húmedos dominios,
y el mar frente a las máscaras detuvo
sus tempestuosos árboles azules.
Nadie sino los rostros habitaron
el círculo del reino. Era callado
como la entrada de un planeta, el hilo
que envolvía la boca de la isla.
Así, en la luz del ábside marino
la fábula de piedra condecora
la inmensidad con sus medallas muertas,
y los pequeños reyes que levantan
toda esta solitaria monarquía
para la eternidad de las espumas,
vuelven al mar en la noche invisible,
vuelven a sus sarcófagos de sal.
Sólo el pez luna que murió en la arena.
Sólo el tiempo que muerde los moais.
Sólo la eternidad en las arenas
conocen las palabras:
la luz sellada, el laberinto muerto,
las llaves de la copa sumergida.
Canto general, 1950.
Rapa Nui
Tepito-Te-Henua, ombilic de l’immensité,
atelier de la mer, diadème éteint.
De la scorie de tes volcans, le front de l’homme
monta plus haut que l’Océan,
les yeux crevassés de la pierre
prirent les dimensions du monde cyclonal,
et ce fut une main centrale qui dressa
la pure et suprême grandeur de tes statues.
Ta roche religieuse fut taillée
vers toutes les issues de l’Océan
et les visages de l’homme apparurent
des entrailles des îles surgissant,
naissant du vide des cratères,
les pieds entravés au silence.
Ils furent factionnaires. Ils arrêtèrent
le cycle des eaux déferlant
de tous les domaines humides.
La mer retint, devant les masques,
ses arbres bleus et tempétueux.
Nul hormis les visages n’habita
le cercle du royaume. Il était muet
comme l’entrée d’une planète,
le fil qui bâillonna cette bouche insulaire.
Ainsi, dans la clarté de l’abside marine
la fable de pierre décore
l’immensité de ses médailles mortes,
et les petits rois qui érigent
cette monarchie solitaire
pour l’éternité de l’écume,
retournent à la mer dans la nuit invisible,
rentrent dans leurs tombeaux, sarcophages de sel.
Et seul le poisson-lune qui mourut sur le sable,
seul le temps qui mord les moais,
seul l’éternité dans son gîte des grèves
ont le secret des mots :
la lumière arrêtée, le labyrinthe mort,
les clefs de la coupe engloutie.
Chant général. Éditions Gallimard, 1977. Traduction : Claude Couffon. NRF Poésie/Gallimard n°182.