André Suarès fait cette description de Pont-l’Abbé dans Le Livre de l’Émeraude (Calmann-Lévy, 1902. Réédition Christian Pirot, 1991) :
« Pont-l’Abbé est charmant. Pont-l’Abbé est fantasque. Pont-l’Abbé ne ressemble à rien. On s’y dirait à la fois, qui sait comment, en Sicile, en Irlande et en Suède. C’est une petite ville à souhait pour en faire la capitale d’une principauté paysanne et chimérique. Elle est rustique, elle est gaie jusqu’à la folie ; et tout de même elle prend un air tragique, selon les jours. Pont-l’Abbé a d’immenses places et de petites rues étroites. Tantôt il y a foule à Pont-l’Abbé, et tantôt Pont-l’Abbé est vide. Parfois la ville paraît grande, et parfois il semble qu’on en fait le tour d’un seul coup d’œil. On y a le sentiment étrange de l’immuable et du caprice ; et l’on sourit au paradoxe de les goûter ensemble. On peut ici ne pas entendre un mot de français si l’on veut… On dirait que cette ville en fête ne compte pas un bourgeois. Elle a les lèvres barbouillées des Ménades, et leur rire de pourpre ; elle bondit, et l’orgie puissante de la nature, l’âme païenne de l’instinct, font le rythme de la danse. On a la sensation si rare de vivre un moment dans un royaume inconnu; et c’est à Pont-l’Abbé, comme en certaines bourgades d’Ombrie et de Toscane, que l’on pense avec délices trouver ce qu’on ne trouve pas ailleurs, et que bientôt on ne trouvera plus.»