En Bretagne, je pense à Tristan Corbière, né le 18 juillet 1845 à Ploujean (aujourd’hui Morlaix, Finistère) . Il mène une vie marginale et malheureuse. Il souffre toute sa vie de sa « laideur » et d’une maladie osseuse. Il aime sans retour une seule femme, Armida-Josefina Cuchiani, qu’il nomme “Marcelle” dans son œuvre. Passionné par la mer, il rêve de devenir marin comme son père, Édouard Corbière, mais sa santé ne le lui permet pas. Il fait paraître à compte d’auteur en 1873 son unique recueil de poèmes, Les Amours jaunes, qui passe inaperçu. Le recueil est achevé d’imprimer le 8 août 1873 chez Glady frères, éditeurs à Paris. L’impression (490 exemplaires) est payée par son père, à qui il dédicace l’ouvrage.
Il meurt à Morlaix le 1er mars 1875, peut-être tuberculeux. Il n’avait pas trente ans.
Paul Verlaine lui consacre un chapitre de son essai Les Poètes maudits (1884). André Breton inclut son poème Litanie du sommeil dans l’Anthologie de l’humour noir (1940).
Le Crapaud
Un chant dans une nuit sans air…
– La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
… Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
– Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…
– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… – Horreur ! –
… Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.
Ce soir, 20 juillet.
Les Amours jaunes, 1873.