Antonio Gamoneda

Antonio Gamoneda (Rafael Carralero) 2007. Madrid, Biblioteca Nacional de España.

Cette semaine, j’ai acheté chez Gibert Joseph la revue Europe du mois de mars (Georges Séféris-Gilles Ortlieb). J’y ai trouvé avec plaisir un cahier de création de dix pages avec les traductions des premiers poèmes d’Antonio Gamoneda. Prix Cervantes 2006, il aura 91 ans le 30 mai. La tierra y los labios a été écrit entre 1947 et 1953. Le poète avait entre 16 et 23 ans. Ces textes ont été publiés pour la première fois par Miguel Casado en 1987 (Edad Poesia 1947-1986. Cátedra, Letras Hispanicas). Edad réunissait les oeuvres composées jusqu’alors par Gamoneda. Depuis, selon son habitude, il a réécrit un peu certains des poèmes pour la publication de Esta luz , Poesía reunida (1947–2004) ( Galaxia Gutenberg/Círculo de Lectores, 2004. Deuxième édition 2019). Ces traductions ont été réalisées par Laurence Breysse-Chanet, Professeur de littérature espagnole contemporaine, et ses étudiants de l’Université de Paris-Sorbonne.

J’en ai choisi cinq :

Te beberé el cabello
y cerraré los ojos.

Tú seguirás manando
tu cabello
turbio de besos.

1947

Je boirai tes cheveux
et fermerai les yeux.

Source tu seras toujours
de tes cheveux
troubles de baisers.

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La tarde, sobre mis hombros,
tiene el color de tus brazos.

Yo te traeré las sombras
en el hueco de mis manos,

Una corona de sombra
me harás sobre tu regazo.

Yo te apagaré la tarde
con la nieve de mis labios.

Se hará de noche en tus ojos ;
en la oscuridad del llanto.

1947

Dessus mes épaules, le soir
a la couleur de tes bras.

Je t’apporterai les ombres
dans le creux de mes deux mains,

une couronne d’ombre
tu me feras sur ton coeur.

Pour toi j’éteindrai le soir
par la neige de mes lèvres.

La nuit viendra sur tes yeux ;
dans l’obscurité des pleurs.

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El gran viento de la noche
entra, lento, en los trigales.

Deja tu mano en la mía
que son nuestros esponsales.

Te tomo porque mi pena
tiene el color de tus ojos;

porque mi pan es moreno
como tu carne.

1947

Le grand vent de la nuit
entre lent dans les blés.

Mets ta main dans la mienne :
ce sont nos fiançailles.

Tu es mienne car ma peine
a la couleur de tes yeux ;

parce que mon pain est noir
comme ta chair.

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Es un hombre. Va solo por el campo.
Oye su corazón, cómo golpea,
y, de pronto, el hombre se detiene
y se pone a llorar sobre la tierra.

Juventud del dolor. Crece la savia
verde y amarga de la primavera.

Hacia el ocaso va. Un pájaro triste
canta entre las ramas negras.

Ya el hombre apenas llora. Se pregunta
por el sabor a muerto en su lengua.

1951

C’est un homme. Il va seul par les champs.
Écoute son coeur, comme il bat,
et, soudain, l’homme s’interrompt,
se met à pleurer sur la terre.

Jeunesse de la douleur. Monte la sève
verte et amère du printemps.

Il va vers le crépuscule. Un oiseau
triste chante parmi les branches noires.

L’homme a dès lors tari ses larmes. Il pense
à ce goût de mort de sa langue.

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A ti, muchacha, que, de pronto, estrenas
la juventud caliente de la risa,
a ti te estoy diciendo: eres precisa
en cierta soledad, en ciertas venas.

Crece la muerte con la vida. Apenas
le llega al corazón alguna brisa,
pero tú crecerías más deprisa;
la alegría que tú desencadenas.

Préstame, amiga, préstame temprano
tus ojos y tus pechos. Duramente
por la boca te sale mucha vida.

Esta hora es feroz. Dame la mano;
alcánzame una muerte sonriente;
pon tus labios desnudos en mi herida.

1953

Jeune fille qui étrennes soudain
la jeunesse si chaude de ton rire,
à toi je le dis : tu es nécessaire
à certaine solitude, à ses veines.

La mort grandit avec la vie. Á peine
la brise vient-elle toucher le coeur,
mais tu grandirais plus rapidement ;
par cette joie que tu sais provoquer.

Viens m’offrir, oh mon amie, viens m’offrir
tes yeux et tes seins. Je vois tant de vie
sortir durement de ta bouche aimée.

L’heure est féroce. Donne-moi la main ;
viens me donner une mort souriante ;
pose tes lèvres nues sur ma blessure.




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