Je relis Roberto Juarroz et je compare les traductions de Fernand Verhesen (1913-2009) et celles de Roger Munier (1923-2010) . La collection Poésie/Gallimard, créée en mars 1966, vient de republier les traductions du premier. C’est précieux car elle privilégie enfin les éditions bilingues.
- (Roberto Juarroz)
La vida nos va haciendo marcas
como si tallara ciertos datos sobre una vara.
Y esas marcas duran más que nosotros.
Parecemos el ayuda-memoria
de un sombrío quehacer
o el soporte accidental de un mensaje
que se apoya un momento y continúa.
Las ancestrales disonancias
danzan sobre los paredones deshilvanados
y su funambulesca coreografía
encuentra allí las figuras necesarias
para desatar los impávidos jeroglíficos.
Las marcas que llevamos
nos sobrevivirán como trincheras abandonadas.
Y como todas las trincheras,
por mucho que las rellenen,
seguirán aguardando el retorno
del áspero combate
que circuló por las carnales incisuras
de sus cavados y olvidados laberintos.
Cuarta poesía vertical. Buenos Aires, Aditor. 1969.
- (Roberto Juarroz)
La vie nous fait des marques
comme si elle taillait certaines données sur un bâton.
Et ces marques durent plus que nous.
Nous ressemblons à l’aide-mémoire
d’une obscure occupation
ou au support accidentel d’un message
qui s’appuie un moment et continue.
Les dissonances ancestrales
dans sur les gros murs défaufilés
et leur funambulesque chorégraphie
trouve là les figures nécessaires
pour dénouer les hiéroglyphes impavides.
Les marques que nous portons
nous survivront comme des tranchées abandonnées.
Et comme toutes les tranchées,
pour autant qu’on les remplisse,
attendront le retour
de l’âpre combat
qui circula dans les charnelles incisions
de ses labyrinthes creusés et oubliés.
Quatrième poésie verticale. 1972. Éditions Le Cormier. Traduction Fernand Verhesen.
Poésies verticales. I-II-III-IV-XI
Traduction Fernand Verhesen. Édition de Réginald Gaillard.
Édition bilingue. Collection Poésie/Gallimard (n° 566), Gallimard.