La romancière et journaliste espagnole Almudena Grandes vient de mourir ce samedi 27 novembre à Madrid à l’âge de 61 ans. Née à Madrid le 7 mai 1960, elle s’était fait connaître avec un roman érotique en 1989, Las edades de Lulú (Les vies de Loulou), porté à l’écran par Bigas Luna en 1990. Elle avait publié ensuite Te llamaré viernes (1991) et Malena es un nombre de tango (1994) ( Malena c’est un nom de tango). En 2010, elle s’était lancée dans un projet de six volumes indépendants, Episodios de una guerra interminable racontant les années de l’après-guerre civile en Espagne. Cette série est dans la ligne des Episodios nacionales (46 volumes) du grand romancier réaliste Benito Pérez Galdós (1843-1920). Depuis 2008, elle publiait régulièrement des articles dans le quotidien El País. Le 10 octobre dernier, elle avait écrit un article sur le cancer dont elle souffrait depuis un an (Tirar una valla)
Son mari est le poète Luis García Montero, directeur de l’Institut Cervantès depuis 2018.
Livres traduits en français :
Les vies de Loulou. Albin Michel, 1990.
Malena c’est un nom de tango. Plon, 1996 et Pocket 2000.
Atlas de géographie humaine. Grasset, 2000.
Vents Contraires. Grasset, 2003. Livre de poche, 2011.
Le cœur glacé. Éditions JC Lattès, 2008. Livre de poche, 2010. (2 tomes)
Inès et la joie. Éditions JC Lattès, 2012. Livre de poche, 2013.
Le Lecteur de Jules Verne. Éditions JC Lattès, 2013. Livre de poche, 2014.
Les Trois Mariages de Manolita. Éditions JC Lattès, 2016. Livre de poche, 2019.
Les patients du docteur Garcia. Éditions JC Lattès, 2020. Premio Nacional de la Narrativa (2018)
Son décès m’a remis en mémoire la fin du poème de Luis Cernuda Díptico español (Diptyque espagnol) qui date de 1961.
…Hoy, cuando a tu tierra ya no necesitas, Aún en estos libros te es querida y necesaria, Más real y entresoñada que la otra: No ésa, mas aquélla es hoy tu tierra. La que Galdós a conocer te diese, Como él tolerante de lealtad contraria, Según la tradición generosa de Cervantes, Heroica viviendo, heroica luchando Por el futuro que era el suyo, No el siniestro pasado donde a la otra han vuelto.
La real para ti no es esa España obscena y deprimente En la que regentea hoy la canalla, Sino esta España viva y siempre noble Que Galdós en sus libros ha creado. De aquélla nos consuela y cura ésta.
Desolación de la quimera. 1956-1962
…Aujourd’hui, quand de ta terre tu n’as plus besoin, Dans les livres encore elle t’est chère et nécessaire, Plus réelle que l’autre et à demi rêvée ; Pas celle-ci, mais celle-là qui est toujours ta terre. Celle que Galdós t’aurait donnée à connaître, Comme lui tolérante à la loyauté contraire, Selon la généreuse tradition de Cervantès, Héroïque dans la vie, héroïque dans la bataille Pour l’avenir qui était le sien, Et non le sinistre passé où ils ont renvoyé l’autre.
La réalité pour toi n’est pas cette Espagne obscène et déprimante Où gouverne aujourd’hui la canaille, Mais cette Espagne vivante et toujours noble que Galdós a créée dans ses livres. De celle-là il nous console et soigne celle-ci.
Après avoir vu l’exposition de la BnF, je relis ces jours derniers les poèmes de Baudelaire, mais aussi ceux de José Ángel Valente. Pas de de rapport entre ces deux écrivains. Je parcours Fragmentos de un libro futuro. Galaxia Gutenberg Círculo de Lectores, 2000. ( Édition française : Fragments d’un livre futur. Éditions José Corti, 2002. Traduction de Jacques Ancet. ) José Ángel Valente souhaitait publier ce recueil à titre posthume. Il est constitué de quatre-vingt-douze poèmes. Ils sont retranscrits dans l’ordre chronologique par date de composition. Ils couvrent les dix dernières années de la vie de ce poète galicien qui appartient à la génération de l’après-guerre civile ( Generación del 50 ). Dans cette sorte de journal, il revient sur ses sujets de prédilection : les questions métaphysiques, la douleur provoquée par la disparition des êtres chers. Son fils, Antonio, est mort d’une overdose en 1990. Le pressentiment de sa mort prochaine est très présente. On remarque dans ces poèmes le dépouillement, la simplicité du lexique, l’absence de sentimentalisme. La nostalgie colore tout ce qui illumine la vie : la chair, le désir, l’amour, la lumière.
José Ángel Valente est né à Orense (Galice). Après des études de philologie romane à Madrid (Licence à l’Université Complutense de Madrid), il est lecteur à Oxford. Il s’installe en 1958 à Genève et occupe jusqu’en 1975 un poste de fonctionnaire international. C’est un poète, essayiste et traducteur (Constantin Cavafis, Paul Celan, John Donne, Edmond Jabès, John Keats, Eugenio Montale, Dylan Thomas entre autres). Il meurt à Genève le 18 juillet 2000.
– Prix Príncipe de Asturias de las Letras ( 1988 ).
– Prix Reina Sofía de Poesía Iberoamericana ( 1998 ).
– Prix national de littérature (Poésie) ( 2001 ) à titre posthume pour Fragmentos de un libro futuro.
On peut le lire facilement en français dans les excellentes traductions de Jacques Ancet : Trois leçons de ténèbres – Mandorle – L’Eclat. Poésie/Gallimard n°321. 1998.
Llorar por lo perdido cuando no deja huella el pie en la arena que no sea borrada por la cierta sucesión de las aguas.
( 28.VI.1991 )
Pleurer ce qui est perdu quand le pied ne laisse sur le sable trace qui ne soit effacée par la succession certaine des eaux.
( 28.VI.1991 )
A Andrés Sánchez Robayna
El humo aciago de las víctimas.
Todo se deshacía en el aire. La historia como el viento dorado del otoño arrastraba a su paso los gemidos, las hojas, las cenizas, para que el llanto no tuviera fundamento. Disolución falaz de la memoria. Parecía como si todo hubiera sido para siempre borrado.
Para jamás, me digo. Para nunca.
( Sonderaktion, 1943 ) ( 7.08.1992 )
A Andrés Sánchez Robayna
La fumée sinistre des victimes.
Tout se défaisait dans l’air. L’histoire comme le vent doré de l’automne traînait à son passage les gémissements, les feuilles, les cendres, pour que les pleurs soient sans fondement. Fausse dissolution de la mémoire. On aurait dit que tout avait été toujours effacé.
Á jamais, me dis-je. Á tout jamais.
( Sonderaktion, 1943 ) ( 7.08.1992 )
Ha pasado algún tiempo. El tiempo pasa y no deja nada. Lleva, arrastra muchas cosas contigo. El vacío, deja el vacío. Dejarse vaciar por el tiempo como se dejan vaciar los pequeños crustáceos y moluscos por el mar. El tiempo es como el mar. Nos va gastando hasta que somos transparentes. Nos da la transparencia para que el mundo pueda verse a través de nosotros o puedo oírse como oímos el sempiterno rumor del mar en la concavidad de una caracola. El mar, el tiempo, alrededores de lo que no podemos medir y nos contiene.
( Desde del otro costado )( 4.IX.1993 )
Un peu de temps a passé. Le temps passe et ne laisse rien. Il emporte, il traîne beaucoup de choses avec lui. Le vide, il laisse le vide. Se laisser vider par le temps comme les petits crustacés et les mollusques se laissent vider par la mer. Le temps est comme la mer. Il nous use jusqu’à être transparents. Il nous donne la transparence pour que le monde puisse se voir à travers nous ou puisse s’entendre comme nous entendons la sempiternelle rumeur de la mer dans le creux d’un coquillage. La mer, le temps, alentours de ce que nous ne pouvons mesurer et qui nous contient.
( Depuis l’autre côté)(4.IX.1993 )
Caminabas despacio.
Tu cuerpo fatigado aún arrastraba la absoluta ruina de ti.
Te acariciaba tenuemente el sol. Tú ibas disolviéndote en su luz.
Quedaban todavía algunos pasos. ¿Hacia dónde? Ni siquiera sabías con certeza cuántos podrías dar.
( La certeza ) ( 31.III.1996 )
Tu marchais lentement.
Ton corps fatigué traînait encore la ruine absolue de toi-même.
Le soleil te caressait doucement. Tu te dissolvais peu à peu dans sa lumière.
Il restait encore quelques pas. Mais vers où ? Tu ne savais même pas avec certitude combien tu pourrais en faire.
( La certitude ) ( 31.III.1996 )
Cima del canto. El ruiseñor y tú ya sois lo mismo.
( Anónimo: versión )( 25.V.2000 )
Cime du chant. Le rossignol et toi n’êtes plus qu’un.
J’ai très envie de voir l’exposition Baudelaire. La modernité mélancolique, à la BNF, bibliothèque François-Mitterrand, Paris 13ème arrondissement. Peut-être demain. Il s’agit d’une exposition thématique pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Charles Baudelaire (1821-1867). Elle a été inaugurée le 3 novembre et durera jusqu’au 13 février 2022. Jean-Marc Chatelain, directeur des réserves des livres rares de la BNF, commissaire général de l’exposition et responsable du catalogue résume ainsi son propos : « Toucher le cœur même de l’acte de la création, aussi bien dans l’œuvre poétique de Baudelaire que dans son œuvre critique. » 200 pièces sont exposées: estampes, lettres autographes, éditions originales, manuscrits, portraits, une de journaux ayant publié ses poèmes.
Hier soir, j’ai relu un des poèmes les plus noirs de Baudelaire:
Le goût du néant
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L’Espoir, dont l’éperon attisait ton ardeur, Ne veut plus t’enfourcher ! Couche-toi sans pudeur, Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.
Résigne-toi, mon cœur; dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur, L’amour n’a plus de goût, non plus que la dispute ; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte ! Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur !
Le Printemps adorable a perdu son odeur !
Et le Temps m’engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur ; Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute.
J’ai vu hier en sortant du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris le grand tableau de Robert Delaunay (1885-1941), L’Équipe de Cardiff, 1912-1913. Presenté au salon des indépendants de 1913, il fut acheté pour l’Exposition universelle de 1937 (326 × 208 cm) . On peut lire sur le carton: ” Conçue avec l’efficacité visuelle d’une affiche publicitaire, ” la toile la plus libre et la plus puissante ” du Salon des indépendants de 1913, selon Apollinaire, invite au spectacle de la vie moderne. Delaunay y reconfigure des extraits de revues, photographies, cartes postales en de nouveaux moyens plastiques dans la simultanéité dynamique et la vibration des couleurs. Les joueurs de rugby en action sont les véhicules de la décomposition de la couleur par la lumière. Le biplan, la marque d’aéronautique ” Astra “, la tour Eiffel et la grande roue signalent l’entrée dans l’ère de la sensation forte, de la vision en altitude d’un Paris ” Magic City ” lancé vers l’avenir. Le peintre s’associe à ce brillant élan international de l’art qu’il signe ” Delaunay / New York/ Paris/ Berlin.” Cinq joueurs de rugby sont représentés dans la partie inférieure du tableau. Les joueurs sont peints en pleine action, leurs maillots de couleurs vives sont faits de traits grossiers. Sur le plan supérieur se trouve une affiche publicitaire au slogan « Astra » et derrière de grandes inventions de l’époque.
L’ épouse de Robert, Sonia Delaunay (née Sophie Stern ou bien Sara Illinichtna Stern 1885-1979) me semble une artiste plus complète et plus intéressante bien qu’elle soit moins connue que son second mari. Elle est née en Ukraine dans une famille juive. Son père est ouvrier. À l’âge de cinq ans, Sonia est adoptée par son oncle Terk, avocat à Saint-Pétersbourg. Elle vit dans un milieu cultivé. Elle part en 1903 étudier le dessin à Karlsruhe, en Allemagne, et arrive à Paris en 1905 pour suivre des cours de peinture à Montparnasse. Elle est naturalisée française grâce à un premier mariage avec Wilhelm Uhde (1874-1947), marchand et collectionneur d’art, en décembre 1908. Elle divorce de ce premier mari et épouse Robert Delaunay le 15 novembre 1910 à la mairie du sixième arrondissement. Ils vivent de 1914 à 1921 en Espagne et au Portugal. J’ai pu pu voir récemment certaines des réalisations de Sonia Delaunay au Centre Georges Pompidou lors de l’exposition Elles font l’abstraction. Son oeuvre textile abondante (couvertures, tissus imprimés, livres d’artistes, robes de haute couture) a pu nuire au rayonnement de ses tableaux.
Le soir, au stade de France, l’Équipe de France créait l’exploit en battant l’équipe de Nouvelle-Zélande (Les All Blacks) 40 à 25.
La peintre et poétesse américano-libanaise Etel Adnan vient de mourir le 14 novembre à Paris. Elle avait 96 ans. Elle est née à Beyrouth le 24 février 1925 d’une mère grecque orthodoxe, née à Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie), et d’un père syrien musulman, officier de l’Empire ottoman. Elle grandit en parlant le grec et le turc dans une société arabophone. Elle va dans l’école d’un couvent français. Le français devient la langue de ses premiers écrits littéraires. Très jeune, elle étudie l’anglais. Elle suit des études supérieures de lettres-philosophie à la Sorbonne de 1949 à 1953, puis à Berkeley et Harvard. Elle commence à peindre en Californie en 1958. En 1996, elle affirme : « L’art abstrait c’était l’équivalent à l’expression poétique ; je n’ai pas éprouvé le besoin de me servir des mots, mais plutôt des couleurs et des lignes. Je n’ai pas eu le besoin d’appartenir à une culture orientée vers le langage mais plutôt à une forme ouverte d’expression. » Elle utilise aussi des leporellos ( livres dont les pages sont pliées et collées formant comme un accordéon) Elle vivait à Paris depuis les années 1980. Elle est reconnue comme peintre au début des années 2010 : Guggenheim de New York, Mudam à Luxembourg, Centre Paul-Klee à Berne, Fondation Luma en Arles, Documenta (13) 2012 à Kassel, Pointe de la douane de Venise (exposition Luogo e segni – lieux et signes) Centre Georges Pompidou-Paris (Elles font l’abstraction) Centre Pompidou-Metz (Écrire c’est dessiner, 6 novembre 2021 au 21 février 2022). Des galeries prestigieuses la représentaient depuis : galeries Lelong à Paris et à New York, Continua de Pékin et de La Havane, White Cube à Londres, Pace Gallery à New York, Sfeir-Semler à Hambourg et Beyrouth.
Je ne la connaissais pas du tout. Ses tableaux ont attiré mon attention en voyant l’exposition Elles font l’abstraction, il y a quelques mois au Centre Georges Pompidou.
Le Monde (12/11/2021, actualisé le 15/11), L’artiste Etel Adnan est morte presque centenaire.
France Culture (18/05/2012). Émission de Marie Richeux. Pas la peine de crier. Ethel Adnan : « Le temps que prend un poème, c’est la vie entière » (Á partir de 21’24”)
Cristina Peri Rossi est une poétesse, traductrice, nouvelliste et romancière. Elle vient de recevoir le Prix Cervantès 2021, la récompense la plus importante pour la littérature en espagnol . Elle est la sixième femme à obtenir ce prix après María Zambrano (1988), Dulce María Loynaz (1992), Ana María Matute (2010), Elena Poniatowska (2013) et Ida Vitale (2018).
Elle est née à Montevideo le 12 novembre 1941.
Après une licence de littérature comparée, elle commence à enseigner. Son premier recueil de nouvelles, Viviendo, paraît en 1963. Elle publie ensuite un recueil de poèmes, Evohé : poemas eróticos (1971), qui fait scandale par son expression du lesbianisme.
Elle s’exile le 4 octobre 1972, sous le gouvernement autoritaire du président Juan María Bordaberry, sa vie étant menacée. En effet, elle est militante du Frente Amplio et collaboratrice de la revue progressiste Marcha. Après le coup d’état du 27 juin 1973, l’armée détient la réalité du pouvoir en Uruguay. Les livres de Cristina Peri Rossi sont interdits. Elle s’installe à Barcelone en 1974 où elle vit encore aujourd’hui. Elle obtient la nationalité espagnole en 1975, tout en conservant sa nationalité uruguayenne.
Cristina Peri Rossi a publié des nouvelles, des romans et de nombreux recueils de poèmes.
Son oeuvre fait souvent allusion à la répression en Amérique latine dans les années 70 et 80, à la dictature dans les pays du Cône Sud et à l’exil. Elle a rendu hommage à Julio Cortázar dont elle fut proche dans Julio Cortázar et Cris, 2014. J’ai relu ce livre hier soir. J’en avais déjà parlé sur ce blog.
Julio Cortázar avait écrit pour elle 15 poèmes que l’on trouve dans Salvo el crepúsculo (Alfaguara, 1984) : Cinco poemas para Cris, Otros cinco poemas para Cris, Cinco últimos poemas para Cris. Ce livre a été traduit par les Éditions José Corti en 2010 (Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. ) Il mêle poésie et prose et avait été assemblé par Cortázar peu avant sa mort le 12 février 1984.
Ouvrages de Cristina Peri Rossi traduits en français :
1976 La tarde del dinosaurio 1980 La rebelión de los niños. Ces deux recueils de nouvelles ont été publiés ensemble sous le titre Le soir du dinosaure. Actes sud, 1985. 1988 Solitario de amor, traduit sous le titre L’Amour sans elle chez Phébus en 1997.
Cinco poemas para Cris (Julio Cortázar)
1. Ya mucho más allá del mezzo camin di nostra vita existe un territorio del amor un laberinto más mental que mítico donde es posible ser lentamente dichoso sin el hilo de Ariadna delirante si espumas ni sábanas ni muslos. Todo se cumple en un reflejo de crepúsculo tu pelo tu perfume tu saliva. Y allí del otro lado te poseo mientras tú juegas con tu amiga los juegos de la noche.
Julio Cortázar aimait la boxe. Cristina Peri Rossi préférait le football.
Distancia justa (Cristina Peri Rossi)
En el amor y en el boxeo, todo es cuestión de distancia. Si te acercas demasiado me excito me asusto me obnubilo, digo tonterías me echo a temblar. Pero si estás lejos sufro entristezco me desvelo y escribo poemas.
Otra vez Eros, 1994.
Juste distance
En amour, et dans la boxe tout est question de distance. Si tu t’approches trop je m’excite m’effraie m’obnubile, je dis des bêtises me mets à trembler. mais si tu es loin je souffre deviens triste perds le sommeil et j’écris des poèmes.
Les Éditions Chandeigne viennentde publier La Poésie du Portugal des origines au XX ème siècle. Cette anthologie a été éditée et les poèmes traduits par Max de Carvalho. C’est une édition bilingue. 1892 pages (!!!). 49 euros. Environ trois cents poètes et plus de mille poèmes. C’est un objet magnifique et l’anthologie semble très bien faite. Mathias Énard a publié une critique élogieuse dans Le Monde des Livres du 3 novembre 2021. C’est bientôt Noël et il y a tant de bons poètes portugais. Les poèmes du XIX et du XX siècles occupent les quatre cinquièmes du livre.
Mathias Énard à la fin de son article donne comme exemple un poème de Sophia de Mello Breyner, un de mes écrivains portugais préférés: Maria Helena Vieira Da Silva ou o itirenàrio ineluctável ( Maria Helena Vieira Da Silva ou l’itinéraire inéluctable ). Dans l’anthologie, on trouve Apequena praça (La petite place). J’ajoute ici la traduction Raymond Farina.
Maria Helena Vieira Da Silva ou o itirenàrio inelutàvel(Sophia de Mello Breyner)
Minúcia é o labirinto muro por muro Pedra contra pedra livro sobre livro Rua após rua escada após escada Se faz e se desfaz o labirinto Palácio é o labirinto e nele Se multiplicam as salas e cintilam Os quartos de Babel roucos e vermelhos Passado é o labirinto : seus jardins afloram E do fundo da memória sobem as escadas Encruzilhada é o labirinto e antro e gruta Biblioteca rede inventário colmeia – Itinerário é o labirinto Como o subir dum astro inelutável – Mas aquele que o percorre não encontra Toiro nenhum solar nem sol nem lua Mas só o vidro sucessivo do vazio E um brilho de azulejos iman frio Onde os espelhos devoram as imagens
Exauridos pelo labirinto caminhamos Na minúcia da busca na atenção da busca Na luz mutável : de quadrado em quadrado Encontramos desvios redes e castelos Torres de vidro corredores de espanto Mas um dia emergiremos e as cidades Da equidade mostrarão seu branco Sua cal sua aurora seu prodígio
Dual. 1972.
Maria Helena Vieira Da Silva ou l’itinéraire inéluctable
Le labyrinthe est minutie mur par mur Pierre contre pierre livre sur livre Une rue après l’autre, un escalier après l’autre Se forme et se défait le labyrinthe Le labyrinthe est un palais et en lui Se multiplient les salles et scintillent Les chambres de Babel rauques et rouges Le labyrinthe est passé : ses jardins affleurent Et du fond de la mémoire montent les escaliers Le labyrinthe est carrefour antre et grotte Bibliothèque mailles inventaires ruche – Le labyrinthe est itinéraire Comme l’ascension d’un astre inéluctable – Mais celui qui le parcourt ne rencontre aucun Taureau aucune demeure soleil ni lune Seulement le vide successif du verre Et un éclat d’azulejos magnétisme froid Où les miroirs dévorent les images
Épuisés par le labyrinthe nous allons Dans la minutie de la quête Dans la lumière changeante : de carré en carré Nous rencontrons détours, bifurcations et châteaux Des tours de verre des couloirs d’épouvante Mais un jour nous émergerons et les villes D’équité montreront leur blancheur Leur chaux leur aube leur prodige
La Poésie du Portugal, pages 1150-1152. Traduction Max de Carvalho.
A pequena praça (Sophia de Mello Breyner)
A minha vida tinha tomado a forma da pequena praça Naquele outono em que a tua morte se organizava meticulosamente Eu agarrava-me à praça porque tu amavas A humanidade humilde e nostálgica dos pequenas lojas Onde os caixeiros dobram e desdobram fitos e fazendas Eu procurava tornar-me tu porque tu ias morrer E a vida toda deixava ali de ser a minha Eu procurava sorrir como tu sorrias Ao vendedor de jornais ao vendedor de tabaco E à mulher sem pernas que vendia violetas Eu pedia à mulher sem pernas que rezasse por ti Eu acendia velas em todos os altares Das igrejas que ficam no canto desta praça Pois mal abri os olhos e vi foi para ler A vocação do eterno escrita no teu rosto Eu convocava as ruas os lugares as gentes Que foram as testemunhas do teu rosto Para que eles te chamassem para que eles desfizessem O tecido que a morte entrelaçava em ti
Dual, 1972.
La petite place
Ma vie a pris la forme de la petite place L’automne durant lequel ta mort s’organisait méticuleusement Je m’attachais à cette petite place parce que tu aimais L’humble et nostalgique humanité des petites boutiques Où les commis plient et déplient rubans et étoffes Je cherchais à devenir toi parce que tu allais mourir Et là toute ma vie cessa d’être la mienne J’essayais de sourire comme tu souriais Au marchand de journaux au marchand de tabac Et à la femme sans jambes qui vendait des violettes Je demandais à la femme sans jambes de prier pour toi J’allumais des cierges à tous les autels Des églises qui se trouvaient au coin de cette place Puisque dès que j’ai ouvert les yeux je ne vis que pour lire La vocation de l’éternel écrite sur ton visage Je convoquais les rues les lieux les gens Qui furent les témoins de ton visage Pour qu’ils t’appellent pour qu’ils défassent La trame que la mort entrelaçait en toi.
Une belle exposition au Musée d’Orsay : Signac collectionneur. On peut la voir jusqu’au 13 février 2022. Elle a été conçue par Marina Ferretti Bocquillon, spécialiste de l’ impressionnisme et Charlotte Liébert-Hellman, arrière-petite-fille du peintre et responsable de ses archives, fille de Françoise Cachin (1936-2011), directrice du musée d’Orsay (1986-1994) et directrice des Musées de France (1994 – 2001).
Paul Signac (1863-1935) fut un peintre très actif et très présent dans son époque. Toute sa vie, il collectionne les œuvres. Il en réunit près de 450. L’exposition en montre 130. Les archives Signac conservent la correspondance de l’artiste, les carnets où il consigne ses achats. Un recensement précis des peintures, dessins et estampes qui lui ont appartenu a pu être fait facilement. Charlotte Hellman : « Il vient d’une famille bourgeoise et bénéficie d’un certain confort matériel. Son regard est celui d’un historien qui veut montrer, dans ses acquisitions, qu’il existe une espèce de progression en art ».
En 1879, à 16 ans, il visite la quatrième exposition des impressionnistes. Il apprend son métier en regardant les œuvres de ces peintres (Claude Monet, Edgar Degas, Gustave Caillebotte, Armand Guillaumin) qui figureront dans sa collection. Sa première acquisition à 20 ans auprès du père Tanguy (le marchand de couleurs du 14 rue Clauzel, Paris IX) est un paysage de Paul Cézanne : La Plaine de Saint-Ouen-l’Aumône, vue prise des Carrières du Chou (vers 1880, Collection particulière).
C’est aussi un théoricien. Son essai D’Eugène Delacroix au Néo-Impressionnisme, paraît initialement en feuilleton dans La Revue blanche, puis en recueil en 1899 aux Éditions de la revue blanche. Il est attiré par les idées anarchistes dès 1888. Il est l’ami de Félix Fénéon, Jean Grave, Émile Pouget, Maximilien Luce, Théophile Alexandre Steinlen. Il joue un grand rôle dans la fondation et l’organisation du Salon des artistes indépendants en 1884. Il en sera le président de 1908 à sa mort. Il est bien placé, car il se trouve au carrefour des différentes tendances de l’avant-garde.
Il aime particulièrement les œuvres de ses amis néo-impressionnistes (Georges Seurat, Maximilien Luce, Henri-Edmond Cross). Il s’intéresse aussi aux Nabis (Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Maurice Denis, Félix Vallotton). Son goût de la couleur le pousse même à s’intéresser aux fauves (Kees Van Dongen, Henri Matisse, Charles Camoin, Louis Valtat). Il dispose dans sa salle à manger de sa maison de Saint-Tropez (La Hune) trois grandes toiles : Composition ou L’Air du soir (Henri-Edmond Cross), Luxe, calme et volupté (Henri Matisse ) et Femmes au bord de la mer (Louis Valtat). Elles traduisent bien l’évolution d’alors, du néo-impressionnisme au fauvisme qui sera lancé au Salon d’automne de 1905.
L’exposition du Musée d’Orsay consacre une salle entière à Georges Seurat (1859-1891) qui regroupe 38 œuvres. Signac possèdera 80 peintures et dessins de ce peintre. Ils se rencontrent en 1884 et l’influence de Seurat va être essentielle dans l’évolution de la technique de Signac. Celui-ci reprend la théorie du « mélange optique » qui consiste à juxtaposer des points de couleurs plutôt que de mixer les teintes sur la palette (pointillisme). Il défend sa mémoire après la mort de son ami, à 32 ans, en 1891. Il organise deux expositions posthumes à Bruxelles et à Paris. Il fait en sorte qu’une des œuvres essentielles de Seurat, Le Cirque, (1891) entre dans les collections du Louvre. “C’était une référence centrale pour lui, précise Charlotte Hellman. Alors fervent militant de la couleur, il s’intéressait à ses dessins en noir et blanc qui procédaient aussi du contraste.”
Pour finir, dans l’exposition figurent deux toiles peu connues. Sur le cartel de la première, on peut lire : Vincent Van Gogh. Deux harengs. 1889. Collection particulière. « En 1887, Van Gogh fait la connaissance de Signac. Une passion commune pour la couleur les rapproche et ils peignent côte à côte sur les bords de Seine. Quand son ami Vincent est interné à Arles en 1889, Signac lui rend visite. Bien que la porte de l’atelier de Van Gogh ait été mise sous scellés, les deux peintres en forcent l’entrée. En souvenir de cette journée mémorable, Van Gogh offre Deux harengs à Signac, parce que « cela représentait deux harengs fumés, qu’on nomme gendarmes. »
Sur la seconde : Paul Cézanne. Trois poires (Les trois Poires), entre 1878 et 1879. Washington National Gallery of Art.
El País a publié hier un article sur un poète de la Génération de 1927 que j’aime beaucoup : Emilio Prados. (Málaga se reencuentra con Emilio Prados, el poeta menos conocido de la Generación del 27)
Le Centro Cultural de la Fundación Unicaja organise une exposition Emilio Prados, el mar de la nostalgia. Sa ville natale met aussi en valeur son image en organisant des journées, des parcours littéraires et en facilitant diverses publications. Jorge Peña tourne actuellement un documentaire : Emilio Prados, cazador de nubes. En effet, Federico García Lorca, son ami, l’appelait ainsi quand il voyait que Prados plaçait un miroir face à la fenêtre de sa chambre de la Residencia de Estudiantes de Madrid. Pedro Salinas l’a décrit comme un « místico de la soledad » et María Zambrano comme « el poeta de la muerte ». Pour Juan Ramón Jiménez, c’était un “poeta de huidas y siempre en fuga, de sí mismo y de los demás”
José Sanchis-Banús (1921-1987), mon professeur à l’Institut d’Études Hispaniques, militant socialiste et franc-maçon, était un grand spécialiste de son œuvre. Pre-Textos a publié la correspondance entre les deux hommes (José Sanchis-Banús. Emilio Prados. Correspondencia 1957-1962. Valencia, 1995)
Emilio Prados est né le 4 mars 1899 à Málaga.
Le père d’Emilio Prados possède une fabrique de meubles (Fábrica de Muebles Prados Hermanos S.A.), installé dans le palais de Buenavista où se trouve aujourd’hui le magnifique Musée Picasso.
Le poète est un amoureux de la nature. Il parcourt Los Montes de Málaga avec son ami, le berger Antonio Ríos. Il nage, il plonge dans la Méditerranée. Il fréquente régulièrement le quartier pauvre de El Palo, à l’est de Málaga, et la crique El Peñón del Cuervo. Il apprend à lire et à écrire aux enfants des pêcheurs qui sont analphabètes, fait de l’animation culturelle, organise un syndicat.
Il séjourne à la Residencia de Estudiantes de Madrid en 1918 avec son frère aîné Miguel qui étudie la psychiatrie. Il devient l’ami de Federico García Lorca. De 1921 à 1922, il séjourne au Waldsanatorium de Davos pour soigner la maladie pulmonaire dont il souffre depuis l’enfance. Il étudie ensuite la philosophie à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) où enseignent les philosophes Edmund Husserl et Martin Heidegger. Il fait aussi deux courts séjours à Paris où il fait la connaissance de Jean Cocteau et Pablo Picasso dont il visite l’atelier.
En 1924, il abandonne ses études universitaires et revient à Málaga. Il crée en 1926 l’imprimerie et maison d’édition Sur et la revue Litoral (Calle de San Lorenzo) avec un autre poète, Manuel Altolaguirre. Ce lieu devient essentiel pour tous les poètes de sa génération.
A partir de 1930, il publie de la poésie révolutionnaire. Il est membre de l’Alliance des intellectuels antifascistes et se rend à Madrid, en août 1936, au début de la guerre civile. Il lit à la radio ses romances de guerre. Replié à Valence, il collabore à la revue Hora de España et sélectionne les poèmes qui feront l’objet du Romancero de la guerra de España, publié en 1937.
A la fin de la guerre, il s’exile, d’abord en France en février 1939, puis au Mexique en mai 1939. Il y trouve du travail dans l’édition et dans l’enseignement. En 1942, il adopte un orphelin espagnol, Francisco Sala. Il vit très pauvrement à Mexico dans une petite chambre (Calle Lerma) entouré d’ étoiles de mer, du portrait de Federico García Lorca, de livres et d’une petite boîte contenant du sable provenant des plages de Málaga. Son frère Miguel, psychiatre au Canada, l’aide financièrement. Il meurt le 24 avril 1962 dans cette ville après 23 années d’exil.
XVI. Dormido en la yerba ( Emilio Prados )
Todos vienen a darme consejo. Yo estoy dormido junto a un pozo.
Todos se acercan y me dicen: – La vida se te va, y tú te tiendes en la yerba, bajo la luz más tenue del crepúsculo, atento solamente a mirar cómo nace el temblor del lucero o el pequeño rumor del agua, entre los árboles.
Y tú te tiendes sobre la yerba: cuando ya tus cabellos comienzan a sentir más cerca y fríos que nunca, la caricia y el beso de la mano constante y sueño de la luna.
Y tú te tiendes sobre la yerba: cuando apenas si puedes sentir en tu costado el húmedo calor del grano que germina y el amargo crujir de la rosa ya muerta.
Y tú te tiendes sobre la yerba: cuando apenas si el viento contiene su rigor, al mirar en ruina los muros de tu espalda, y, el sol, ni se detiene a levantar tu sangre del silencio.
Todos se acercan y me dicen: – La vida se te va. Tú vienes de la orilla donde crece el romero y la alhucema entre la nieve y el jazmín, eternos, y es un mar todo espumas lo que aquí te ha traído porque nos hables… Y tú te duermes sobre la yerba.
Todos se acercan para decirme. – Tú duermes en la tierra y tu corazón sangra y sangra, gota a gota ya sin dolor, encima de tu sueño, como en lo más oscuro del jardín, en la noche, ya sin olor, se muere la violeta.
Todos vienen a darme consejo. Yo estoy dormido junto a un pozo.
Sólo, si algún amigo mio se acerca, y, sin pregunta me da un abrazo entre las sombras: lo llevo hasta asomarnos al borde, juntos, del abismo, y, en sus profundas aguas, ver llorar a la luna y su reflejo, que más tarde ha de hundirse como piedra de oro, bajo el otoño frío de la muerte.
Ils viennent tous me donner des leçons. Moi, je dors auprès d’un puits.
Tous s’approchent et me disent : – Ta vie s’en va, Et toi tu gis sur l’herbe, Á la lumière fragile du crépuscule, Attentif seulement Á observer le premier Frémissement de l’astre, Le léger bruissement de l’eau, parmi les arbres.
Et toi tu gis sur l’herbe : Alors que tes cheveux déjà commencent à percevoir Plus proches, plus froids que jamais, La caresse et le baiser De la main persistante Et du rêve de la lune.
Toi tu gis sur l’herbe : Alors que c’est à peine si tu peux Percevoir dans ton flanc La chaleur humide De la graine qui germe Et l’amer craquement De la rose, morte.
Et toi tu gis sur l’herbe : Alors que c’est à peine si le vent Réfrène sa violence, En voyant en ruine Les murs de ton dos, Et que le soleil ne s’arrête pas Pour arracher ton sang au silence.
Tous s’approchent et me disent : – Ta vie s’en va, Toi, tu viens des rivages Où le romarin pousse et la lavande Entre la neige et le jasmin, éternels ; C’est une mer d’écumes Qui t’a amené ici, Pour que tu nous parles… Mais toi, tu dors sur l’herbe.
Tous s’approchent pour me dire : – Tu dors sur la terre, Ton coeur saigne, Il saigne, goutte à goutte, Insensible, sur ton sommeil, Comme au plus profond Du jardin, au sein de la nuit, Inodore, se meurt la violette.
Ils viennent tous me donner des leçons. Moi, auprès d’un puits, je dors.
Mais si d’aventure un ami S’approche et, sans poser de questions, M’embrasse au milieu des ombres : Je l’amène nous pencher Au bord, tous les deux, de l’abîme, Voir, dans ses eaux profondes, Pleurer la lune et son reflet, Qui, plus tard, s’abîmera Comme une pierre d’or, Sous l’automne froid de la mort.
Traduction : Nadine Ly. Anthologie bilingue de la poésie espagnole (Bibliothèque de la Pléiade, NRF. Gallimard. 1995)
Voir un autre poème sur ce blog: Rincón de la sangre.
John Keats est né le 31 octobre 1795 à Londres. Il est mort le 23 février 1821 à Rome.
“Hay un verso de Keats que es quizá una de las claves más transparentes de su poesía […]. Es el verso con que comienza su poema «Endymion»: A thing of beauty is a joy for ever (Una cosa bella es un goce eterno) […]. Cuando busco en la poesía española una pasión semejante, siempre pienso en Luis Cernuda. Cernuda también cree, como Keats, que la belleza es un goce eterno.” José Luis Cano, Keats y Cernuda (1950), in La poesía de la Generación del 27, Madrid, Guadarrama, 1970.
A propósito de flores (Luis Cernuda)
Era un joven poeta, apenas conocido. En su salida primera al mundo Buscaba alivio a su dolencia Cuando muere en Roma, entre sus manos una carta, La última carta, que ni abrir siquiera quiso, De su amor jamás gozado.
El amigo que en la muerte le asistiera Sus palabras finales nos transmite: «Ver cómo crcce alguna flor menuda, El crecer silencioso de las flores, Acaso fue la única dicha Que he tenido en este mundo.»
¿Pureza? Vivo a las flores amadas contemplaba Y mucho habló de ellas en sus versos; En el trance final su mente se volvía A la dicha más pura que conoció en la vida: Ver a la flor que abre, su color y su gracia.
¿Amargura? Vivo, sinsabores tuvo Amargos que apurar, sus breves años Apenas conocieron momentos sin la sombra. En la muerte quiso volverse con tácito sarcasmo A la felicidad de la flor que entreabre.
¿Amargura? ¿Pureza? ¿O, por qué no, ambas a un tiempo? El lirio se corrompe como la hierba mala, Y el poeta no es puro o amargo únicamente: Devuelve sólo al mundo lo que el mundo le ha dado Aunque su genio amargo y puro algo más le regale.
Desolación de la Quimera, 1956-61.
Écrit en janvier ou février 1961. Publié pour la première fois en avril 1961 dans la revue Eco (II, 6) de Bogotá (Colombie).
Joseph Severn (1793-1879) est un peintre anglais. C’est un ami dévoué de John Keats. Il l’accompagne le 17 septembre 1820 sur le Maria Crowther à destination de l’Italie. Le but du voyage est de soigner la maladie du poète, la tuberculose. Ils arrivent dans la baie de Naples le 21 octobre et sont placés en quarantaine pendant 10 jours. Ils séjournent à Naples une semaine, puis se rendent à Rome dans une petite voiture. À Rome, ils vivent dans un appartement, 26 Piazza di Spagna, au pied de l’escalier de la Trinité-des-Monts. Joseph Severn a quitté l’Angleterre contre l’avis de son père. Il a peu d’argent. Pendant son séjour à Rome lors de l’hiver 1820-1821, il écrit de nombreuses lettres à des amis communs en Angleterre. L’entourage du cercle de Keats et la fiancée du poète, Fanny Brawne, sont tenus au courant de l’évolution de la maladie du poète. Cette correspondance est le seul témoignage des derniers jours de Keats que Joseph Severn soigne jusqu’à sa mort, le 23 février 1821, trois mois après leur arrivée à Rome.