Manuel Altolaguirre 1905 – 1959

Retour à la poésie, à la Génération de 1927, inépuisable.

Manuel Altolaguirre (Walter Reuter). Valence , octobre 1937.

Manuel Altolaguirre: ce poète fut aussi imprimeur, créateur de revues, dramaturge, réalisateur de cinéma et scénariste. Il étudie le droit à l’Université de Grenade. À 17 ans, il fonde dans sa ville natale, Málaga (la ciudad del paraíso de Vicente Aleixandre), sa première revue de poésie, Ambos. En 1925, il lance avec Emilio Prados (1899-1962) la revue Litoral qui eut une grande importance dans la diffusion de la nouvelle poésie espagnole et qui existe toujours. En octobre 1927, elle consacre trois numéros à l’ hommage à Luis de Góngora. Altolaguirre monte sa propre imprimerie, Sur. En 1930, il crée la revue Poesía dont les deux derniers numéros sont édités à Paris où il vit pendant une période. Il épouse en juin 1932 la poétesse Concha Méndez (1898-1986), fiancée d’abord pendant sept ans à Luis Buñuel. Une autre revue, Héroe, paraît en 1932. De 1933 à 1935, à Londres où il s’est installé grâce à une bourse de la Junta de Ampliación de Estudios, il fonde une revue hispano-anglaise, 1616, en hommage à Cervantès et à Shakespeare. Il revient à Madrid en 1935. Sur une presse anglaise moderne, il sort la revue de Pablo Neruda, Caballo verde para la poesía. En 1936, après l’assassinat de Federico García Lorca, il devient le directeur de La Barraca, la compagnie théâtrale fondée par le poète de Grenade. En 1939, il s’exile avec sa femme et sa fille Paloma d’abord en France, ensuite à Cuba (La Havane) et enfin au Mexique. Il continue là-bas son travail d’imprimeur, mais se consacre aussi au cinéma. En 1959, il revient en Espagne pour présenter un de ses films au Festival de Saint-Sébastien, mais sur la route de Madrid il trouve la mort dans un accident de voiture près de Burgos avec sa seconde épouse, la cubaine María Luisa Gómez Mena.

1926 Las islas invitadas y otros poemas. Réédité en 1936.
1933 Prix national de littérature.
1931 Soledades juntas.
1936 La lenta libertad.
1939 Nube temporal.
1944 Poemas de las islas invitadas.
1946 Nuevos poemas de las islas invitadas.
1949 Fin de un amor.
1955 Poemas en América.

Romance

Arrastrando por la arena,
como cola de mi luto,
a mi sombra prisionera,
triste y solitario voy
y vengo por las riberas,
recordando y olvidando
la causa de mi tristeza.

¡La ciudad que más quería
la he perdido en una guerra!

Ya no veré nunca más
las dos torres de su iglesia,
ni los caminos sin sombra
de sus brazos y sus piernas.

¡La ciudad que más quería
la he perdido en una guerra!

Las islas invitadas y otros poemas. Édition de 1936.

Romance

Je traîne sur le sable,
comme une queue d’habit de deuil,
mon ombre prisonnière;
seul et triste je vais
Et viens le long des rives,
rappelant et oubliant
les causes de ma tristesse.

La ville que plus j’aimais,
je l’ai perdue dans une guerre!

Plus jamais je ne verrai
les deux tours de son église,
ni les chemins sans ombre
de ses bras et de ses jambes.

La ville que plus j’aimais,
je l’ai perdue dans une guerre!

Traduction: Pierre Darmangeat.
La poésie espagnole. Anthologie des origines à nos jours. Paris, Seghers, 1963.

Playa
A Federico García Lorca

Las barcas de dos en dos,
como sandalias del viento
puestas a secar al sol.

Yo y mi sombra, ángulo recto.
Yo y mi sombra, libro abierto.

Sobre la arena tendido
como despojo de mar
se encuentra un niño dormido.

Yo y mi sombra, ángulo recto.
Yo y mi sombra, libro abierto.

Y más allá, pescadores
tirando de las maromas
amarillas y salobres.

Yo y mi sombra, ángulo recto.
Yo y mi sombra, libro abierto.

Las islas invitadas 1926.

Plage
Á Federico García Lorca

Les barques deux par deux
comme sandales du vent
qui sèchent au soleil.

Moi et mon ombre, un angle droit.
Moi et mon ombre, un livre ouvert.

Sur le sable couché
comme dépouille de la mer,
un enfant est endormi.

Moi et mon ombre, un angle droit.
Moi et mon ombre, un livre ouvert.

Et plus loin, des pêcheurs
qui tirent sur des cables
jaunes dans la saumure.

Moi et mon ombre, un angle droit.
Moi et mon ombre, un livre ouvert.

Traduction: Pierre Darmangeat.
La poésie espagnole. Anthologie des origines à nos jours. Paris, Seghers, 1963.

Manuel Altolaguirre (José Moreno Villa). 1949. México, Collection privée.

Il perd assez jeune son père, puis sa mère. L’idée de la mort, la perte des êtres chers sont au centre de toute son œuvre. On retrouve dans sa poésie l’influence de Juan Ramón Jiménez, de Pedro Salinas et des poètes espagnols classiques (Garcilaso de la Vega, Jean de la Croix, Gustavo Bécquer).

En 1952, avant une intervention chirurgicale, il avait remis à sa fille Paloma ce poème inachevé:

Las nubes, las blancas nubes
cuando yo me muera
míralas por mí.
Las flores, las blancas flores
cuando yo me muera
míralas por mí.
Sentiré en mi muerte blanca
que estoy vivo en ti…

Le brouillon se trouve dans les archives du poète conservées à la Residencia de Estudiantes de Madrid.

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