Pablo Neruda -Libro de las preguntas

Isla Negra (Chile). Café Restaurante Rincón del Poeta.

Libro de las preguntas, 1974, Editorial Losada, 1974.
Le livre des questions. Editions Gallimard, 1979, Traduction de Claude Couffon.
Ce livre singulier de Pablo Neruda, mort le 23 septembre 1973, est un livre posthume. Il se présente comme une série de questions sans réponses. Le poète chilien s’interroge sur la vie, la nature, la mort, la guerre, la politique.

1.
Qué cosa irrita a los volcanes
que escupen fuego, frío y furia?

Por qué Cristóbal Colón
no pudo descubrir a España?

Cuántas preguntas tiene un gato?

Las lágrimas que no se lloran
esperan en pequeños lagos?

O serán ríos invisibles
que corren hacia la tristeza?


VIII
Quel dard irrite les volcans
qui crachent feu, froid et fureur?

Et pourquoi Christophe Colomb
n’a-t-il pu découvrir l’Espagne?

Combien de questions dans un chat?

Les larmes qu’on ne verse pas
attendent-elles en petits lacs?

Ou seraient-elles des rivières
coulant cachées vers la tristesse?

11.
Hasta cuándo hablan los demás
si ya hemos hablado nosotros?

Qué diría José Martí
del pedagogo Marinello?

Cuántos años tiene Noviembre?

Qué sigue pagando el Otoño
con tanto dinero amarillo?

Cómo se llama ese cocktail
que mezcla vodka con relámpagos?


XI
Jusqu’à quand parleront les
autres si nous avons déjà parlé?

Et que dirait José Marti
du magister Marinello?

Combien d’années compte Novembre?

Que continue donc à payer
l’Automne avec ses liasses jaunes?

Quel nom porte-t-il, ce cocktail
qui mélange éclairs et vodka

20.
Es verdad que el ámbar contiene
las lágrimas de las sirenas?

Cómo se llama una flor
que vuela de pájaro en pájaro?

No es mejor nunca que tarde?

Y por qué el queso se dispuso
a ejercer proezas en Francia?

XX.

Est-il vrai que l’ambre contient
les pleurs versés par les sirènes?

Comment s’appelle cette fleur
qui vole d’un oiseau à l’autre?

Ne vaut-il mieux jamais que tard?

Et pourquoi le fromage a-t-il
pour ses exploits choisi la France?

27.
Murieron tal vez de vergüenza
estos trenes que se extraviaron?

Quién ha visto nunca el acíbar?

Dónde se plantaron los ojos
del camarada Paul Éluard?

Hay sitio para unas espinas?
le preguntaron al rosal.

XXVII
Ne seront-ils pas morts de honte
ces trains qui se sont fourvoyés?

Qui a jamais vu l’aloès?

Où les a-t-on plantés, les yeux
du camarade Paul Éluard?

Acceptez-vous quelques piquants?
a-t-on demandé au rosier.

30.
Cuando escribió su libro azul
Rubén Darío no era verde?

No era escarlata Rimbaud,
Góngora de color violeta?

Y Victor Hugo tricolor?
Y yo a listones amarillos?

Se juntan todos los recuerdos
de los pobres de las aldeas?

Y en una caja mineral
guardaron sus sueños los ricos?

XXX
En écrivant son livre bleu
Rubén Dario n’était-il vert?

Rimbaud n’était-il écarlate?
Góngora, couleur de violettes?

Et Victor Hugo, tricolore?
Et moi, tout de jaune rayé?

Se groupent-ils, les souvenirs
de tous les pauvres des villages?

Et dans un coffre minéral
le riche a-t-il rangé ses rêves?

31.
A quién le puedo preguntar
qué vine a hacer en este mundo?

Por qué me muevo sin querer,
por qué no puedo estar inmóvil?

Por qué voy rodando sin ruedas,
volando sin alas ni plumas,

y qué me dio por transmigrar
si viven en Chile mis huesos?

XXXI
Qui interroger sur ce que
je suis venu faire en ce monde?

Pourquoi me mouvoir malgré moi,
pourquoi ne puis-je être immobile?

Pourquoi rouler ainsi sans roues
et voler sans ailes ni plumes,

et qui m’a poussé vers ailleurs
si mes os vivent au Chili?

32.
Hay algo más tonto en la vida
que llamarse Pablo Neruda?

Hay en el cielo de Colombia
un coleccionista de nubes?

Por qué siempre se hacen en Londres
los congresos de los paraguas?

Sangre color de amaranto
tenía la reina de Saba?

Cuando lloraba Baudelaire
lloraba con lágrimas negras?

XXXII
S’appeler Pablo Neruda,
y a-t-il plus sot dans la vie?

Qui, dans le ciel de Colombie,
collectionnera les nuages?

Pourquoi choisit-on toujours Londres
pour les congrès de parapluies?

La reine de Saba
avait-elle un sang amarante?

Les pleurs versés par Baudelaire
quand il pleurait étaient-ils noirs?

35.
No será nuestra vida un túnel
entre dos vagas claridades?

O no será una claridad
entre dos triángulos oscuros?

O no será la vida un pez
preparado para ser pájaro?

La muerte será de no ser
o de sustancias peligrosas?

XXXV
Notre vie n’est-elle un tunnel
entre deux clartés imprécises?

Ou serait-elle une clarté
entre deux triangles obscurs?

Ou la vie est-elle un poisson
prédisposé à être oiseau?

La mort, est-ce de ne pas être,
ou d’être des corps dangereux?

44.
Dónde está el niño que yo fui,
sigue adentro de mí o se fue?

Sabe que no lo quise nunca
y que tampoco me quería?

Por qué anduvimos tanto tiempo
creciendo para separarnos?

Por qué no morimos los dos
cuando mi infancia se murió?

Y si el alma se me cayó
por qué me sigue el esqueleto?

XLIV.
Où est-il, l’enfant que je fus?
Est-il en moi? Est-il parti?

Sait-il que je ne l’ai aimé
et qu’il ne m’aimait pas non plus?

Pourquoi tout ce long bout de route,
et grandir pour nous séparer?

Pourquoi n’être pas morts tous deux
avec la mort de mon enfance?

Pourquoi, si mon âme est tombée,
ai-je conservé mon squelette ?

49
Cuando veo de nuevo el mar
el mar me ha visto o no me ha visto?

Por qué me preguntan las olas
lo mismo que yo les pregunto?

Y por qué golpean la roca
con tanto entusiasmo perdido?

No se cansan de repetir
su declaración a la arena?

XLIX
Quand je vois de nouveau la mer,
la mer m’a-t-elle vu ou non ?

Pourquoi, m’interrogeant, les vagues
me renvoient-elles mes questions ?

Pourquoi, battant le roc, ont-elles
tout cet enthousiasme perdu ?

Lasses ne sont de répéter
au sable leur déclaration ?

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