” Qu’est-ce que le Surréalisme ?
-C’est l’apparition d’Yves Tanguy, coiffé du paradisier grand émeraude. “
” Il est remarquable que sur les peintres apparus le plus récemment, l’influence moderne qui s’exerce d’une manière prépondérante soit celle de Tanguy. “
André Breton.
En 1939, Yves Tanguy fait la connaissance de Kay Sage (1898-1963), alors mariée avec un gentilhomme italien, le Prince Rainier de Faustino, à Chemillieu dans un grand manoir loué par le peintre anglais Gordon Onslow-Ford (1912-2003). Il y retrouve Roberto Matta, Esteban Francés et André Breton.
Celui-ci n’écrira durant son séjour qu’un seul texte : La maison d’Yves tandis que Tanguy peint le tableau Mes arrières pensées. Ce poème aurait dû paraître dans un numéro de Minotaure, jamais réalisé à cause de la déclaration de guerre, avec des reproductions d’oeuvres de Matta, Onslow Ford, Francés et Tanguy. Onslow Ford emmena le tout à Londres et le publia en juin 1940 dans le London Bulletin n°18-20.
La maison d’Yves (André Breton)
La maison d’Yves Tanguy
Où l’on n’entre que la nuit
Avec la lampe-tempête
Dehors le pays transparent
Un devin dans son élément
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Et la toile de Jouy du ciel
– Vous, chassez le surnaturel
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Elle est de lassos, de jambages
Couleur d’écrevisse à la nage
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules antennes
L’espace lié, le temps réduit
Ariane dans sa chambre-étui
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules antennes
Avec la crinière sans fin de l’argonaute
Le service est fait par des sphinges
Qui se couvrent les yeux de linges
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules antennes
Avec la crinière sans fin de l’argonaute
Avec le mobilier fulgurant du désert
On y meurtrit on y guérit
On y complote sans abri
Avec la lampe-tempête
Avec la scierie si laborieuse qu’on ne la voit plus
Avec toutes les étoiles de sacrebleu
Avec les tramways en tous sens ramenés à leurs seules antennes
Avec la crinière sans fin de l’argonaute
Avec le mobilier fulgurant du désert
Avec les signes qu’échangent de loin les amoureux
C’est la maison d’Yves Tanguy
Signe ascendant, 1947. Éditions Gallimard.