Lecture ce week-end de Pierre Autin-Grenier. Friterie-Bar Brunetti a été republié dans la collection La petite Vermillon (Éditions de la Table Ronde). Un peu d’anarchisme, un brin de nihilisme, cela fait du bien dans cette période où nos gouvernants essaient de nous faire prendre des vessies pour des lanternes et osent parler d’égalité.
Les écrivains qu’il aime: Céline, Louis Calaferte, Cioran, Thomas Bernhard.
Rencontre entre Brigitte Giraud et Pierre Autin-Grenier (Le Matricule des Anges n°68 Novembre-Décembre 2005)
“B.G.: Je voulais aussi que tu me parles de Thomas Bernhard que tu cites aussi dans Friterie-bar Brunetti : ” Il faut pouvoir se lever et partir de toute société qui n’est bonne à rien “. ” Rien ” et ” inutile ” sont des mots qu’on retrouve souvent dans tes livres…
P. A-G. : J’ai lu tout Thomas Bernhard. Ça a été une grande découverte. L’exergue que j’ai mis rejoint Calaferte et son côté libertaire que j’aime beaucoup. Son esprit révolté.
B. G. : Mais on est au-delà de la révolte, on est déjà dans le rien et l’inutile, dans le nihilisme, non ?
P. A-G. : Ah non, je ne suis pas du tout un nihiliste.
B. G. : Mais tu parles de Cioran aussi…
P. A-G. : Pour moi Cioran n’est pas nihiliste ! Si j’ai le moral qui remonte à peine à zéro, je lis Cioran et ça va mieux, c’est roboratif et pas du tout nihiliste.”
Friterie-Bar Brunetti. Gallimard, L’ Arpenteur. 2005. La petite vermillon (n° 469) 2019. pages 88-90.
« Quant aux maîtres et aux bourgeois, pour n’être pas né de la dernière couvée je vois bien aussi comment ces protozoaires et leurs sous-fifres comptent s’y prendre, et pas à plusieurs fois, pour nous faire passer le goût du pain, astreindre le populo à leur discipline de caserne et subordonner toutes nos envies de seulement respirer à leur brutal appétit de marchandises, à leur soif jamais apaisée du pouvoir, à leur tyrannique besoin de paraître et se penser sel de la terre quand ils ne sont qu’espèces en phase terminale.
Á l’instar de Ginette, de ses cinquante annuités et des poussières pour une pension à piétiner chaque fin de mois dans les files d’attente du bureau de bienfaisance, c’est d’abord tuer le prolétaire au turbin leur programme. User en usine et partout ailleurs les forces de la bête sans trêve ni merci jusqu’à l‘empêcher de jouir du moindre instant de répit. Le travail rend libre, on connaît la chanson. Oh! dans leur calcul d’aujourd’hui il ne saurait surtout s’agir de trente-cinq, ni quarante, ni même cinquante, non, leur petite idée sur la question c’est la semaine de soixante-quinze heures de crève-corps pour tous et jusqu’à soixante-quinze ans; voilà le carême qu’ils prêchent pour pouvoir, eux, encore rajouter des dentelles à leurs caleçons pendant que nous autres irions quasiment sans culotte au charbon, ben voyons! J’exagère? Je divague? J’extrapole?… Laissez-moi rire!
Le bourgeois n’a jamais travaillé de ses mains, c’est même ce qui le caractérise historiquement; depuis qu’il s’est emparé en sournois des manettes, envoyant pour ce faire le peuple à sa place au casse-pipe, il n’a trouvé son compte, entre deux guerres pour soutenir ses intérêts, que dans l’abrutissement des masses par le boulot et l’hécatombe généralisée des travailleurs transbahutés dès l’aube en bétaillère dans les abattoirs du patronat. C’est comme je vous le dis, et vous ne changerez couic au tableau si vous ne vous décidez pas enfin à chasser le bourgeois et ses larbins en leur flanquant une bonne révolution aux fesses. – Tous en charrette à Sainte-Pélagie! Voilà l’idéal slogan; pour rien au monde vous ne m’en ferez démordre.»
Pierre Autin-Grenier est né à Lyon le 4 avril 1949, il y est mort le 12 avril 2014.
Il a partagé son temps entre sa ville natale et Carpentras. Auteur de proses poétiques, de récits, de nouvelles, c’est un adepte de la forme brève.
Publications:
Une histoire:
I. Je ne suis pas un héros. Gallimard (L’Arpenteur), 1996. Folio n° 3798, 2003.
II. Toute une vie bien ratée. Gallimard (L’Arpenteur), 1997. Folio n° 3195, 1999.
III. L’Éternité est inutile. Gallimard (L’Arpenteur), 2002. Prix du Livre du Département du Rhône 2002 et Prix Alexandre-Vialatte 2003.
• Jours anciens. L’Arbre éditeur (02370 Aizy-Jouy), 1980. Rééditions augmentées en 1986 et 2003.
• Histoires secrètes. L.-O. Four, 1982. Rééditions La Dragonne, 2000 et 2013.
• L’Ange au gilet rouge. Syros, 1990. Réédition Gallimard (L’Arpenteur), 2007.
• Les Radis bleus. Le dé bleu, 1991. Folio n° 4163, 2005.
• Chroniques des faits. L’Arbre éditeur (02370 Aizy-Jouy), 1992. Réédition Carnet du Dessert de Lune 2014.
• Impressions de Lozère : La Margeride (ouvrage collectif). Les Presses du Languedoc, 1992.
• Légende de Zahkor. L’Arbre à paroles (Bruxelles), 1996. Réédition Éditions en Forêt/Velag Im Wald (D-93495 Rimbach), 2002, édition trilingue (français, italien, allemand) sous une couverture de Ibrahim Shahda.
• 13, quai de la Pécheresse, 69000 Lyon (roman collectif). Éditions du Ricochet, 1999.
• Là-haut, accompagné de 14 peintures de Ronan Barrot. Éditions du Chemin de fer, 2005.
• Friterie-Bar Brunetti. Gallimard (L’Arpenteur), 2005. Réédition collection La petite Vermillon (Éditions de la Table Ronde) 2019.
• Un Cri, avec une préface de Dominique Fabre et des illustrations de Laurent Dierick. Éditions Cadex, 2006. Prix Léo Ferré / Ville de Grigny 2007.
• C’est tous les jours commé ça: les dernières notes d’Anthelme Bonnard, Finitude, 2010. Prix loin du marketing 2010 et Grand Prix de l’Humour noir 2011.
• Élodie Cordou, la Disparition. Accompagné de de peintures de Ronan Barrot. Éditions du Chemin de fer, 2010.
• Quand j’étais écrivain, en collaboration avec Christian Garcin. Finitude, 2011.
• Rats, illustré par Georges Rubel , Circa 1924. 2013.
• Analyser la situation, Finitude, 2014.
• Élodie Cordou, une présence: suivi de Edvard Munch, une anecdote. Éditions du Chemin de fer, 2015.