Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être: colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été; voici l’automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
II
J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd’hui m’est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre cœur! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D’un glorieux automne ou d’un soleil couchant.
Courte tâche! La tombe attend; elle est avide!
Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l’été blanc et torride,
De l’arrière-saison le rayon jaune et doux!
Les Fleurs du mal, 1857.
Adieu, vive clarté (1998) est un récit roman autobiographique de Jorge Semprún qui se déroule pendant la période précédant sa déportation au camp de concentration de Buchenwald.
Il dort. C’est un garçon aux gestes élégants et au regard triste, à qui il arrive d’oublier le monde autour de lui pour s’enfermer lentement au-dedans de lui-même. Un absent, un de ceux à qui l’on n’ose parler de choses ordinaires. Un exalté aussi, qui vit de vérités insoupçonnées. Il est atteint d’un mal qui effraie les hommes et intrigue les chiens. Aux plus fortes chaleurs, lorsque les ciels sont blancs et les bêtes silencieuses, on le voit se raidir, tituber, et s’effondrer dans la poussière, endormi sous le soleil de plomb. C’est là une affection étrange que l’on suppose en relation avec l’état du ciel. mais nul n’en est absolument certain. Lui-même n’en sait rien. Il dit qu’il sent un couvercle parfois se refermer sur lui, et que cela se produit toujours quand le soleil est vertical. Il dort et il tombe, voilà tout. Il dit que Dieu l’a choisi, car Dieu est unique au ciel des hommes, et règne impitoyablement sur les étendues désertiques qu’il écrase de Son infinie bonté. Dieu est une lumière aveuglante, insoutenable. Une chaleur intarissable. Le monde alors s’éloigne, devient souvenir d’un murmure, et il dort. Là il atteint la paix. Couché pour ne plus rien entendre, ivre de silence et d’oubli.
Il est grand, la voix basse, le cheveu fou. Il parle lentement en agitant ses longues mains aux doigts minces, très belles. Il est toujours vêtu d’une robe de lin blanc, sous laquelle il est nu. On dit qu’il a étudié à Qûmran, et qu’il y serait sans doute resté si ses endormissements soudains avaient été tolérées par les pères du monastère. c’est là qu’il a connu celui dont il est demeuré l’ami très précieux. Il aime le mauve des aurores de mai, les roses, las jarres, le pain, le bruit de l’eau, l’odeur des citronniers. Il aime aussi la folie meurtrière qui habite les chiens lorsqu’ils se battent entre eux et que le sang gicle. Ce sont des choses simples et terribles, des désirs obscurs qu’il ne s’avoue pas toujours. Un soir il a vu une panthère saisir un enfant qui s’en allait chercher de l’eau au puits. Son regard avait été capté par ce rapt fulgurant, et c’est lui-même qu’il avait cru voir dans les machoires du fauve. Il avait alors ressenti une sensation inédite, comme un frisson de volupté. Les femmes ne sont pas de son monde. Suzanne et Salomé l’ont aimé, il ne les a pas vues. sans doute les jugeait-il trop futiles, trop soucieuses de leur apparence. Il éprouva un vague intérêt pour Joanna de Chouza, qui disait avoir été séduite par la grâce et la lente gravité qui émanait de lui. Mais elle disparut un jour. On ne lui connaît aucune autre tentation d’amour féminin. Il marche parfois dans la nuit sur les collines au nord de la ville. Il est une ombre blanche, un fantôme qui glisse entre les oliviers et les buissons arides. Il pense à son ami. Il se dit que l’amour est une faiblesse de la chair et une grandeur de l’âme. Entre les deux il ne sait pas choisir.
Il n’y a pas que sous l’effet du soleil que son mal se manifeste. Parfois une intense contrariété suffit, ou une peur extrême. Il semble alors que son coeur ne bat plus, et son corps devient froid, insensible aux morsures du jour. Cette faible complexion l’empêche d’être un disciple exemplaire, un arpenteur de villages et de chemins. Au début il a fait partie des quinze, mais ensuite il a dû les quitter. Il n’est même pas l’un des soixante-dix que son ami envoie à travers la contrée. Il est pourtant le disciple le plus cher et le plus attentif sans doute, celui dont l’amour est le plus pur. Parfois, lorsqu’il le regarde, il se dit qu’il aimerait être identique à lui. Un jour il l’a entendu dire que les renards avaient une tanière, et les oiseaux un nid, tandis que lui n’avait nul endroit où reposer sa tête. Il s’est mis à pleurer alors, car il sentait que l’ami parlait comme il eût pu le faire. C’est ainsi: il l’écoute et il pleure parfois, lorsqu’il l’entend parler de la folie des hommes et des royaumes célestes, de la grandeur des humbles et du mépris des puissants, de charité, de pardon et d’amour. Il aime sa voix et la lumière qu’il voit dans ses yeux. Un geste ou un regard le comblent. Il n’est qu’amour et désir d’être aimé.
Il
dort. L’ami est venu jusqu’ici pour le sauver. Il vient pour
l’extirper de l’endroit froid et obscur où on l’a déposé.
Il
dort, et c’est comme un bruissement soudain. L’ami est là et le
monde lentement redevient un murmure. Il entend comme une source, ou
bien comme un écho très lointain. puis il perçoit un frôlement
sur son bras. Une infime tension. Les bandelettes qui entourent son
corps se mettent à frémir. Ses paupières bougent un peu, mais il
ne le sait pas. Lui ne sait que ce bleu qui peu à peu s’installe.
Opaque tout d’abord, puis de plus en plus clair, comme pénétré
d’une eau pure – l’eau pure de l’enfance.
C’est une voix alors. Une voix qui est bleue, qui est eau et écho du passé, qui est frôlement minuscule sur lui. Une voix douce et chaude, qui enfle et vient briser le barrières qu’il avait érigées, qui se faufile, s’insinue, une voix qui devient un appel, une puissante clameur, un cri désespéré enfin, qui le fait se dresser et marcher vers ce point lumineux tout au fond.
Vidas (1993) suivi de Vies volées (1999). Folio n°4494.
Juan Eduardo Zúñiga est un écrivain et traducteur, né à Madrid le 24 janvier 1919. Son père était pharmacien et monarchiste. Lui, a fait à Madrid des études aux Beaux-arts et en Philosophie et lettres. Il s’est spécialisé en littérature slave et a publié plusieurs essais et biographies sur des écrivains russes, tels que Tourgueniev ou Tchekhov. Son cycle narratif sur le Madrid de la Guerre civile comprend Largo noviembre de Madrid (1980), La Tierra será un paraíso (1986) et Capital de la gloria (2003). À l’écart du roman social, Zuñiga traite de la vie quotidienne dans le Madrid de la Guerre Civile.
Ce doyen des lettres espagnoles a publié cette année un livre de souvenirs.
Recuerdos de vida. 2019. Galaxia Gutenberg.
«Qué larga es la calle de la vida. Avanzamos por ella y atrás dejamos convertido en olvido cuanto hicimos. Sólo cuando sentimos que el final de la calle se acerca es posible repensar lo sucedido. Sólo cuando creemos que quedan -¿quién lo sabe- dos o tres manzanas que recorrer es posible contemplar el paisaje de lo vivido. Atisbamos entonces en épocas lejanas el mecanismo de lo que fuimos, por casualidades de actos que parecían fugaces y por extrañas coincidencias que se producen como si la mano de nadie las creara.
Qué secreta es la calle de los años. Buscamos en los recuerdos cómo será el futuro: inútil tarea porque sólo se encuentra en las cenizas. Del fabuloso depósito de la memoria surgen ahora fragmentos barrocos, con ese color sepia que es el color de las sombras; detalles efímeros de algo escuchado, entrevisto o leído. Nos esforzamos en penetrarlos y que sean nítidos, para que si contienen un secreto, éste deje de serlo y de inquietar sus sombras.
Estas escenas sueltas, desconectadas en su apariencia, tienen un hilo invisible que las cose, finos tendones y venas las vitalizan.
Aunque lo más aceptable sería no intentar comprender la vida.»
«Vieil océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu t’enorgueillis à juste titre de ta magnificence native, et des éloges vrais que je m’empresse de te donner. Balancé voluptueusement par les molles effluves de ta lenteur majestueuse, qui est le plus grandiose parmi les attributs dont le souverain pouvoir t’a gratifié, tu déroules, au milieu d’un sombre mystère, sur toute ta surface sublime, tes vagues incomparables, avec le sentiment calme de ta puissance éternelle. Elles se suivent parallèlement, séparées par de courts intervalles. À peine l’une diminue, qu’une autre va à sa rencontre en grandissant, accompagnées du bruit mélancolique de l’écume qui se fond, pour nous avertir que tout est écume. (Ainsi, les êtres humains, ces vagues vivantes, meurent l’un après l’autre, d’une manière monotone; mais sans laisser de bruit écumeux). L’oiseau de passage se repose sur elles avec confiance, et se laisse abandonner à leurs mouvements, pleins d’une grâce fière, jusqu’à ce que les os de ses ailes aient recouvré leur vigueur accoutumée pour continuer le pèlerinage aérien. Je voudrais que la majesté humaine ne fût que l’incarnation du reflet de la tienne. Je demande beaucoup, et ce souhait sincère est glorieux pour toi. Ta grandeur morale, image de l’infini, est immense comme la réflexion du philosophe, comme l’amour de la femme, comme la beauté divine de l’oiseau, comme les méditations du poète. Tu es plus beau que la nuit. Réponds-moi, océan, veux-tu être mon frère? Remue-toi avec impétuosité… plus… plus encore, si tu veux que je te compare à la vengeance de Dieu; allonge tes griffes livides, en te frayant un chemin sur ton propre sein… c’est bien. Déroule tes vagues épouvantables, océan hideux, compris par moi seul, et devant lequel je tombe, prosterné à tes genoux. La majesté de l’homme est empruntée; il ne m’imposera point: toi, oui. Oh!quand tu t’avances, la crête haute et terrible, entouré de tes replis tortueux comme d’une cour, magnétiseur et farouche, roulant tes ondes les unes sur les autres, avec la conscience de ce que tu es, pendant que tu pousses, des profondeurs de ta poitrine, comme accablé d’un remords intense que je ne puis pas découvrir, ce sourd mugissement perpétuel que les hommes redoutent tant, même quand ils te contemplent, en sûreté, tremblants sur le rivage, alors, je vois qu’il ne m’appartient pas, le droit insigne de me dire ton égal. C’est pourquoi, en présence de ta supériorité, je te donnerais tout mon amour (et nul ne sait la quantité d’amour que contiennent mes aspirations vers le beau), si tu ne me faisais douloureusement penser à mes semblables, qui forment avec toi le plus ironique contraste, l’antithèse la plus bouffonne que l’on ait jamais vue dans la création: je ne puis pas t’aimer, je te déteste. Pourquoi reviens-je à toi, pour la millième fois, vers tes bras amis, qui s’entr’ouvrent, pour caresser mon front brûlant, qui voit disparaître la fièvre à leur contact! Je ne connais pas la destinée cachée; tout ce qui te concerne m’intéresse. Dis-moi donc si tu es la demeure du prince des ténèbres. Dis-le moi… dis-le moi, océan (à moi seul, pour ne pas attrister ceux qui n’ont encore connu que les illusions), et si le souffle de Satan crée les tempêtes qui soulèvent tes eaux salées jusqu’aux nuages. Il faut que tu me le dises, parce que je me réjouirais de savoir l’enfer si près de l’homme. Je veux que celle-ci soit la dernière strophe de mon invocation. Par conséquent, une seule fois encore, je veux te saluer et te faire mes adieux! Vieil océan, aux vagues de cristal… Mes yeux se mouillent de larmes abondantes, et je n’ai pas la force de poursuivre; car, je sens que le moment est venu de revenir parmi les hommes, à l’aspect brutal; mais… courage! Faisons un grand effort, et accomplissons, avec le sentiment du devoir, notre destinée sur cette terre. Je te salue, vieil océan!»
“Le vaisseau sur lequel nous passions en Amérique s’étant élevé au-dessus du gisement des terres, bientôt l’espace ne fut plus tendu que du double azur de la mer et du ciel, comme une toile préparée pour recevoir les futures créations de quelque grand peintre. La couleur des eaux devint semblable à celle du verre liquide. Une grosse houle venait du couchant, bien que le vent soufflât de l’est; d’énormes ondulations s’étendaient du nord au midi, et ouvraient dans leurs vallées de longues échappées de vue sur les déserts de l’Océan. Ces mobiles paysages changeaient d’aspect à toute minute: tantôt une multitude de tertres verdoyants représentaient des sillons de tombeaux dans un cimetière immense; tantôt des lames en faisant moutonner leurs cimes imitaient des troupeaux blancs répandus sur des bruyères; souvent l’espace semblait borné, faute de point de comparaison; mais si une vague venait à se lever, un flot à se courber comme une côte lointaine, un escadron de chiens de mer à passer à l’horizon, l’espace s’ouvrait subitement devant nous. On avait surtout l’idée de l’étendue lorsqu’une brume légère rampait à la surface de la mer et semblait accroître l’immensité même. Oh! qu’alors les aspects de l’Océan sont grands et tristes! Dans quelles rêveries ils vous plongent, soit que l’imagination s’enfonce sur les mers du Nord au milieu des frimas et des tempêtes, soit qu’elle aborde sur les mers du Midi à des îles de repos et de bonheur! Il nous arrivait souvent de nous lever au milieu de la nuit et d’aller nous asseoir sur le pont, où nous ne trouvions que l’officier de quart et quelques matelots qui fumaient leur pipe en silence. Pour tout bruit on entendait le froissement de la proue sur les flots, tandis que des étincelles de feu couraient avec une blanche écume le long des flancs du navire.”
Génie du christianisme. 1802. Partie 1. Livre 5. Chapitre XII.
Louis Scutenaire est né à Ollignies, près de Lessines, le 29 juin 1905. Il est mort le 15 août 1987 à Bruxelles, en regardant une émission de télévision consacrée à son ami, le peintre René Magritte. Cet écrivain est un bon exemple de l’humour des écrivains belges du XX ème siècle. C’est un compagnon des surréalistes belges René Magritte, Marcel Mariën, E.L.T. Mesens, Paul Nougé, Camille Goemans, André Blavier, Achille Chavée. Il est connu pour sa poésie et ses aphorismes. Le tome I de Mes inscriptions a été publié chez Gallimard en 1945 sur proposition de Paul Eluard (réédition Editions Labor 1990). Le titre est emprunté à Restif de la Bretonne. Les quatre autres tomes couvrent les années 1945 à 1987.
Un petit florilège de ces aphorismes:
«Je voudrais vivre assez vieux pour savoir ce que je deviendrai.
Les ronces de la vie m’affectent plus que ses roses ne m’enchantent.
Une banalité me convient mieux qu’une originalité à la mode.
Répéter, répéter sans répit que la main du riche est toujours dans la poche du pauvre.
Dès mon plus jeune âge, toujours j’ai été obsédé par les filles, et aujourd’hui encore, mais dans une faible mesure, propre à contenir les graines d’un canari pour un demi-jour.
J’écris pour des raisons qui poussent les autres à dévaliser une banque.
Ce sont des hommes publics : ils sont sortis de l’ombre pour entrer dans la boue.
Souvent, au lieu de penser, on se fait des idées.
Devant l’impossibilité de tout savoir, la plupart ont choisi de ne savoir rien.
Les chefs sont des salauds puissants. – Les sujets, des salauds en puissance.
Il y en a qui croient, il y en a qui doutent, il y en a qui pensent. Je suis de ceux qui pensent : je pense que je crois que je doute.
Il faut regarder la vie en farce.
Des penseurs qui se grattent la tête on dit qu’ils se la creusent.
Les pauvres ont des soucis, les riches s’en font.
J’ai trop d’ambition pour en avoir .
Prolétaires de tous les pays, je n’ai pas de conseils à vous donner.
Je jette des mots parce que je suis trop couard pour jeter des bombes.
L’homme cherche la nouveauté dans les cimetières.
Le malheur n’est pas difficile.
Le bon goût mène à l’impuissance.
Faire confiance aux masses. Á coup de pied au cul.
L’honnête homme est celui qui ne fait que ce qui lui plaît.
Partager mon opinion n’accrédite personne auprès de moi.
Ne parlez pas de moi, je suffis à la tâche.
L’humour est une façon de se tirer d’embarras sans se tirer d’affaire.
Je vais vous dire le présent, le passé et l’avenir: votre cul pue, il a toujours pué, il puera toujours.
L’Autriche. L’homme aussi.
Je ne suis pas tout heureux de penser tristement.
Nous voulons la proie avec l’ombre.
L’homme, le créateur de l’ennui.
C’est étonnant combien les honnêtes gens ont une connaissance parfaite de la saloperie.”
Edgar Morin cite ces jours-ci sur son compte Twitter quelques vers du poème d’Antonio Machado Yo voy soñando caminos.
Il a beaucoup écrit. J’aime bien parmi ses livres: – Journal de Plozévet, Bretagne, 1965, Paris, L’Aube, 2001.
–Vidal et les siens (avec Véronique Grappe-Nahoum et Haïm Vidal Séphiha), Paris, Le Seuil, 1989.
Á 98 ans, sa vitalité suscite l’admiration. Il publie à la rentrée: Les souvenirs viennent à ma rencontre, Paris, Fayard, 2019. On le voit à la radio, à la télévision.
« Mon premier acte politique fut d’intégrer une organisation libertaire, Solidarité internationale antifasciste, pour préparer des colis à destination de l’Espagne républicaine. » Pour une politique de civilisation , La pensée de midi, Actes Sud, vol. 7, no 1, 1er mars 2002.
XI. Yo voy soñando caminos
Yo voy soñando caminos de la tarde. ¡Las colinas doradas, los verdes pinos, las polvorientas encinas!… ¿Adónde el camino irá? Yo voy cantando, viajero a lo largo del sendero… -La tarde cayendo está-. “En el corazón tenía la espina de una pasión; logré arrancármela un día; ya no siento el corazón.” Y todo el campo un momento se queda, mudo y sombrío, meditando. Suena el viento en los álamos del río. La tarde más se oscurece; y el camino que serpea y débilmente blanquea, se enturbia y desaparece. Mi cantar vuelve a plañir; “Aguda espina dorada, quién te pudiera sentir en el corazón clavada.” Soledades (1899-1907)
Poema publicado por primera vez en 1906 en la revista Ateneo con el nombre de Ensueños.
XI
Je m’en vais rêvant par les chemins
du soir. Les collines dorées, les pins verts les chênes poussiéreux! … Où peut-il aller, ce chemin? Je m’en vais chantant, voyageur Le long du sentier…
Le jour s’incline lentement. «Devant mon cœur était clouée l’épine d’une passion; un jour j’ai pu me l’arracher: Je ne sens plus mon cœur.» Et toute la campagne un instant demeure, muette et sombre, pour méditer. Le vent retentit dans les peupliers de la rivière. Mais le soir s’obscurcit encore; et le chemin qui tourne, tourne, et blanchit doucement, se trouble et disparaît. Mon chant recommence à pleurer: «Epine pointue et dorée,
Ah! si je pouvais te sentir Dedans mon cœur clouée.»
Últimas palabras de Salvador Allende, difundidas por Radio Magallanes el 11 de septiembre de 1973.
«Seguramente, ésta será la última oportunidad en que pueda dirigirme a ustedes. La Fuerza Aérea ha bombardeado las antenas de Radio Magallanes. Mis palabras no tienen amargura sino decepción. Que sean ellas un castigo moral para quienes han traicionado su juramento: soldados de Chile…
Colocado en un tránsito histórico, pagaré con mi vida la lealtad al pueblo. Y les digo que tengo la certeza de que la semilla que hemos entregado a la conciencia digna de miles y miles de chilenos, no podrá ser segada definitivamente. Tienen la fuerza, podrán avasallarnos, pero no se detienen los procesos sociales ni con el crimen ni con la fuerza. La historia es nuestra y la hacen los pueblos.
Me dirijo a la juventud, a aquellos que cantaron y entregaron su alegría y su espíritu de lucha. Me dirijo al hombre de Chile, al obrero, al campesino, al intelectual, a aquellos que serán perseguidos, porque en nuestro país el fascismo ya estuvo hace muchas horas presente; en los atentados terroristas, volando los puentes, cortando las vías férreas, destruyendo lo oleoductos y los gaseoductos, frente al silencio de quienes tenían la obligación de proceder.
Estaban comprometidos. La historia los juzgará.
Seguramente Radio Magallanes será acallada y el metal tranquilo de mi voz ya no llegará a ustedes. No importa. La seguirán oyendo. Siempre estaré junto a ustedes. Por lo menos mi recuerdo será el de un hombre digno que fue leal con la Patria.
El pueblo debe defenderse, pero no sacrificarse. El pueblo no debe dejarse arrasar ni acribillar, pero tampoco puede humillarse.
Trabajadores de mi Patria, tengo fe en Chile y su destino. Superarán otros hombres este momento gris y amargo en el que la traición pretende imponerse. Sigan ustedes sabiendo que, mucho más temprano que tarde, de nuevo se abrirán las grandes alamedas por donde pase el hombre libre, para construir una sociedad mejor.
¡Viva Chile! ¡Viva el pueblo! ¡Vivan los trabajadores!
Estas son mis últimas palabras y tengo la certeza de que mi sacrificio no será en vano, tengo la certeza de que, por lo menos, será una lección moral que castigará la felonía, la cobardía y la traición.
Francisco Gómez de Quevedo Villegas y Santibáñez Cevallos est né, probablement, le 14 septembre 1580 à Madrid. Il est mort le 8 septembre 1645 à Villanueva de los Infantes (Ciudad Real). Cet écrivain du Siècle d’or est l’une des figures les plus importantes et les plus complexes de la littérature espagnole. Il a manié toutes les formes littéraires. Sa force se retrouve dans ses poèmes et surtout dans quelques sonnets qui font partie des sommets de la poésie espagnole classique.
Jorge Luis Borges parle de cet auteur dans Otras inquisiciones (1952) Obras completas (Tomo II 1952-1972) Barcelona, Emecé Editores, 2000.
On peut lire en Poésie/ Gallimard Les Furies et les Peines. 102 sonnets magnifiquement traduits par Jacques Ancet.
Trois exemples célèbres:
Amor constante más allá de la muerte
Cerrar podrá mis ojos la postrera
sombra, que me llevare el blanco día,
y podrá desatar esta alma mía
hora a su afán ansioso lisonjera;
mas no, de esotra parte en la ribera
dejará la memoria, en donde ardía;
nadar sabe mi llama la agua fría,
y perder el respeto a ley severa;
Alma a quien todo un Dios prisión ha sido,
venas que humor a tanto fuego han dado,
medulas que han gloriosamente ardido,
su cuerpo dejarán no su cuidado;
serán ceniza, mas tendrán sentido.
Polvo serán, mas polvo enamorado.
El Parnaso español, 1648.
Amour constant au-delà de la mort
Clore pourra mes yeux l’ombre dernière
Que la blancheur du jour m’apportera,
Cette âme mienne délier pourra
l’Heure, à son vœu brûlant prête à complaire;
Mais point sur la rive de cette terre
N’oubliera la mémoire, où tant brûla;
Ma flamme sait franchir l’eau et son froid,
Manquer de respect à la loi sévère.
Âme dont la prison fut tout un Dieu,
Veines au flux qui nourrit un tel feu,
Moelle qui s’est consumée, glorieuse,
Leur corps déserteront, non leur tourment;
Cendre seront, mais sensible pourtant;
Poussière aussi, mais poussière amoureuse.
Definición de Amor
Es hielo abrasador, es fuego helado,
es herida que duele y no se siente,
es un soñado bien, un mal presente,
es un breve descanso muy cansado.
Es un descuido que nos da cuidado,
un cobarde con nombre de valiente,
un andar solitario entre la gente,
un amar solamente ser amado.
Es una libertad encarcelada,
que dura hasta el postrero paroxismo;
enfermedad que crece si es curada.
Éste es el niño Amor, éste es su abismo. ¿Mirad cuál amistad tendrá con nada el que en todo es contrario de sí mismo! Pour définir l’amour : sonnet amoureux
Pour définir l’amour : sonnet amoureux
C’est la glace qui brûle, un feu glacé,
une plaie douloureuse et qu’on ne sent,
c’est un bien dont on rêve, un mal présent,
c’est une trêve courte et accablée.
C’est un oubli qu’on ne peut oublier,
c’est un lâche qui prend nom de vaillant,
c’est marcher solitaire entre les gens,
ce n’est qu’aimer de se sentir aimé.
C’est une liberté prise en ses liens
et prolongée jusqu’au délire ultime,
un mal qui croît plus il reçoit de soins.
Tel est l’enfant amour, tel son abîme :
quelle amitié aura-t-il avec rien,
qui est en tout contradiction intime !
Signifícase la propria brevedad de la vida, sin pensar y con padecer, salteada de la muerte
¡Fue sueño ayer; mañana será tierra! ¡Poco antes, nada; y poco después, humo! ¡Y destino ambiciones, y presumo apenas punto al cerco que me cierra!
Breve combate de importuna guerra, en mi defensa soy peligro sumo; y mientras con mis armas me consumo menos me hospeda el cuerpo, que me entierra.
Ya no es ayer; mañana no ha llegado; hoy pasa, y es, y fue, con movimiento que a la muerte me lleva despeñado.
Azadas son la hora y el momento, que, a jornal de mi pena y mi cuidado, cavan en mi vivir mi monumento.
QUI REPRESENTE LA BRIEVETE DE SA PROPRE VIE
Hier fut songe, et demain sera terre:
rien peu avant, et peu après fumée.
Et moi plein d’ambitions, de vanité,
à peine un point du cercle qui m’enserre!
Brève mêlée d’une importune guerre,
je suis pour moi le suprême danger.
Et tandis que je sombre tout armé,
moins m’abrite mon corps qu’il ne m’enterre.
Hier n’est plus; demain s’annonce à peine;
Le jour passe, il est, il fut, mouvement
qui vers la mort précipité m’entraîne.
Chaque heure est la pelle, chaque moment Qui pour un prix de tourments et de peines, Creuse au cœur de ma vie mon monument.
El otoño se acerca con muy poco ruido:
apagadas cigarras, unos grillos apenas,
defienden el reducto
de un verano obstinado en perpetuarse,
cuya suntuosa cola aún brilla hacia el oeste.
Se diría que aquí no pasa nada,
pero un silencio súbito ilumina el prodigio:
ha pasado
un ángel
que se llamaba luz, o fuego, o vida.
Y lo perdimos para siempre.
Otoños y otras luces. 2001.
Ángel González Muñiz est né le 6 septembre 1925 à Oviedo (Asturies).
Son enfance est fortement marquée par la mort de son père, professeur de sciences et de pédagogie à l’école normale d’Oviedo en 1927 alors qu’il n’a que dix-huit mois. Sa situation familiale s’aggrave encore lorsque, pendant la Guerre civile espagnole, son frère Manuel est fusillé par les franquistes en novembre 1936. Son autre frère, Pedro, républicain aussi, doit s’exiler. Sa soeur Maruja ne peut plus exercer son métier d’institutrice.
La tuberculose l’empêche de terminer ses études de droit. Il devient ensuite fonctionnaire, puis professeur de littérature espagnole contemporaine aux États-Unis.
il fait partie du groupe de poètes appelé «Génération de 50» ou «Génération du milieu du siècle», avec entre autres José Ángel Valente, Jaime Gil de Biedma, Carlos Barral, José Agustín Goytisolo et José Manuel Caballero Bonald.
En 1985, il reçoit le prix Prince des Asturies de littérature. En janvier 1996, il est élu membre de l’Académie royale espagnole. La même année, il obtient le Prix Reine Sofía de Poésie ibéroaméricaine.
Il meurt le 12 janvier 2008 d’une insuffisance respiratoire à l’âge de 82 ans.
Son ami, le poète Luis García Montero, a publié en 2008 Mañana no será lo que Dios Quiera, une biographie romancée d’Ángel González à partir des conversations qu’il a eues avec lui à la fin de sa vie.