José Bergamín, grande figure qui traversa tout le XXe siècle espagnol est mort en 1983, tout de suite après avoir corrigé les épreuves de son dernier recueil de poèmes, En attendant la main de neige, c’est-à-dire la mort. Il sera enterré le lendemain, selon ses propres vœux, dans une tombe anonyme du cimetière de Fontarrabie (en basque : Hondarribia ; en espagnol : Fuenterrabía) De là, il domine la mer, comme la croix du Christ de ses trois grands sonnets (Tres sonetos a Cristo crucificado ante el mar) dédiés à Jacques et Raïssa Maritain et qu’Antonio Machado considérait parmi les plus beaux de la langue espagnole.
Tres sonetos a Cristo crucificado ante el mar
(París, 1937)
A Jacques y Raïssa Maritain
Solo a lo lejos el piadoso mar
Unamuno
I
No te entiendo, Señor, cuando te miro
frente al mar, ante el mar crucificado.
Solos el mar y tú. Tú en cruz anclado,
dando a la mar el último suspiro.
No sé si entiendo lo que más admiro:
que cante el mar estando Dios callado;
que brote el agua, muda, a su costado,
tras el morir, de herida sin respiro.
O el mar o tú me engañan, al mirarte
entre dos soledades, a la espera
de un mar de sed, que es sed de mar perdido.
¿Me engañas tú o el mar, al contemplarte
ancla celeste en tierra marinera,
mortal memoria ante inmortal olvido?
II
Ven ya, madre de monstruos y quimeras,
paridora de música radiante,
ven a cantarle al Hombre agonizante
tus mágicas palabras verdaderas.
Rompe a tus pies tus olas altaneras
deshechas en murmullo suspirante.
De la nube sin agua, al desbordante
trueno de voz, enciende tus banderas.
Relampaguea, de tormenta suma,
la faz divinamente atormentada
del Hijo a tus entrañas evadido.
Pulsa la cruz con dedos de tu espuma.
Y mece por el sueño acariciada,
la muerte de tu Dios recién nacido.
III
No se mueven de Dios para anegarte
las aguas por sus manos esparcidas;
ni se hace lengua el mar en tus heridas
lamiéndolas del sal para callarte.
Llega hasta ti la mar, a suplicarte,
madre de madres por tu afán transidas,
que ancles en tus entrañas doloridas
la misteriosa voz con que engendrarte.
No hagas tu cruz espada en carne muerta;
mástil en tierra y sequedad hundido;
árbol en cielo y nubes arraigado.
Madre tuya es la mar: sola, desierta.
Mírala tú que callas, tú caído.
Y entrégale tu grito arrebatado.
«When the shadow of the sash appeared on the curtains it was between seven and eight o’ clock and then I was in time again,hearing the watch. It was Grandfather’s and when Father gave it to me he said I give you the mausoleum of all hope and desire; it’s rather excruciatingly apt that you will use it to gain the reducto absurdum of all human experience which can fit your individual needs no better than it fitted his or his father’s. I give it to you not that you may remember time, but that you might forget it now and then for a moment and not spend all your breath trying to conquer it. Because no battle is ever won he said. They are not even fought. The field only reveals to man his own folly and despair, and victory is an illusion of philosophers and fools.»
Le bruit et la fureur. (Traduction Maurice-Edgar Coindreau) Editions Gallimard, 1938.
2 juin 1910
«Quand l’ombre de la croisée apparaissait sur les rideaux, il était entre sept heures et huit heures du matin. Je me retrouvais alors dans le temps, et j’entendais la montre. C’était la montre de grand-père et, en me la donnant, mon père m’avait dit : Quentin, je te donne le mausolée de tout espoir et de tout désir. Il est plus que douloureusement probable que tu l’emploieras pour obtenir le reducto absurdum de toute expérience humaine, et tes besoins ne s’en trouveront pas plus satisfaits que ne le furent les siens ou ceux de son père. Je te le donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l’oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t’essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa folie et son désespoir, et la victoire n’est jamais que l’illusion des philosophes et des sots.»
Secourez moy, douce vierge Marie,
Port de salut que l’en doit réclamer!
Je sens ma nef foible, povre et pourrie,
De sept tourments assaillie en la mer
Mon voile est roupt, ancres n’y puet encrer
J’ai grant paour que plunge ou que n’affonde
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.
Qui est la nef, fort ceste mortel vie
Qui a paines puet LX ans passer?
Les sept tourments sont Orgueil et Envie
Detraccion, Luxure et Murmurer
Convoitise qui ne laisse durer,
Et leurs consors me tuent en ce monde,
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.
Mon voile est roupt, qui vertu signifie,
Et mon encre ne se puet arrester
Pour ce chetif monde qui me detrie,
Qui ne me laisse à mon ame penser.
Or me vueillez mon volie relever,
Vierge, ou je doubt pechiez ne me confunde,
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.
Eustache Deschamps en son temps sous la direction de Jean-Patrice Boudet et Hélène Millet. Publications de la Sorbonne 1997.
Merci à J.A.
Ballade n°134. Tome 1. page 258.
“Dans cet appel au secours à Notre-Dame, le poète parle de sa vie et de lui-même comme d’un bateau (Une nef, vers 3 et 8) devant se rendre au port du salut, d’où le vocable donné à la Vierge (vers 2). L’embarcation est en mauvais état (vers 3 et 5) et doit affronter sept tourmens. Ce sont les sept péchés capitaux qui sont ainsi désignés, dont trois sont nommés dans la seconde strophe (Orgueil, Envie et Luxure). Les quatre autres (Colère, Avarice, Paresse et Gourmandise), englobés sous le nom de consors (vers 13) ont été ici remplacés par Detraccion, Murmurer et Convoitise, qui sont plutôt des dérivés d’Envie. Le poète renouvelle sa prière dans la troisième strophe: Marie doit l’aider à relever sa voile (vers 19), c’est à dire à cultiver les vertus. Touchée, la Vierge répond dans la ballade 135 en lui indiquant les vertus qu’il doit pratiquer pour éviter l’Enfer.”
Amb penes i treballs mantinc intacte un vell reducte que amb el pas del temps s’ha convertit en una fortalesa.
Parapetat darrere el que he perdut, lúcidament defenso el privilegi de ser qui sóc, d’escriure com escric i de viure com visc, sempre que el cos se’m conservi en uns mínims acceptables.
Ara que l’agost bat els seus metalls amb una escandalosa desmesura, jo em refugio en la solemnitat que s’ha integrat en mi i em representa.
Després, els déus diran per quin camí i amb quina gent he de seguir la ruta; Dòcil i greu allargaré les mans per aprendre el nou ritme de la pluja.
Després de tot (1990-2002). Premio Laureà Melà.
Miquel Martí i Pol est un poète espagnol d’expression catalane. Il est né le 19 mars 1929 à Roda de Ter (Catalogne, Espagne). il est mort le 11 novembre 2003 à Vic (Catalogne, Espagne). Fils d’ouvriers, il commence à travailler à l’âge de 14 ans dans une usine textile de sa ville. A 19 ans, il est atteint d’une tuberculose pulmonaire, ce qui le maintient alité. Il lit énormément. Sa poésie des années 50 est simple. Elle exprime le sentiment amoureux. Dans les années 1960, il commence à être connu pour ses poèmes engagés et réalistes. Il milite alors au PSUC clandestin (Partido Socialista Unificado de Cataluña). Atteint de sclérose multiple, il est obligé de cesser de travailler en 1973. Sa poésie devient plus intérieure et intimiste. Elle exprime aussi sa lutte contre la maladie. Il devient un des poètes catalans les plus lus et les plus populaires. Ses poèmes sont chantés par des interprètes tels que Lluís Llach, María del Mar Bonet, Teresa Rebull, Arianna Savall.
Ses œuvres complètes sont publiées en quatre volumes de 1989 à 2004. Il a reçu en 1991 le Prix d’Honneur des Lettres catalanes.