Marcel Proust est né le 10 juillet 1871 à Paris (quartier d’Auteuil dans le 16e arrondissement), dans la maison de son grand-oncle maternel, Louis Weil, au 96, rue La Fontaine.
«Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est.»
Victor Segalen est né le 14 janvier 1878 à Brest. L’oeuvre de ce poète est imprégnée des cultures qu’il a rencontrées dans l’exercice de son métier de médecin de marine.
Pour obtenir son doctorat de médecine, il soutient en 1902 une thèse dont le titre est Les Cliniciens ès lettres. Le sujet: les névroses dans la littérature contemporaine.
En 1903, il arrive en mission à Tahiti et découvre les restes de la culture Maorie, décimée par la présence européenne («Ici comme ailleurs, la race se meurt…» Journal de voyage). Lors d’une escale aux Marquises, il consulte les derniers croquis et carnets de Gauguin, mort trois mois auparavant («Je puis dire n’avoir rien vu du pays et de ses maoris avant d’avoir parcouru et presque vécu les croquis de Gauguin.»). De son séjour en Polynésie, il tire un livre, Les Immémoriaux, publié en 1907 sous le pseudonyme de Max Anély.
Dés 1908, Segalen s’intéresse à la Chine et souhaite devenir interprète. Il s’y installe avec sa femme et son fils Yvon en 1910. Il publie la première édition des Stèles à Pékin en 1912. Interrompu par la guerre dans le cours d’une expédition archéologique en Chine, il rentre en France, passe quelque temps au front, puis retourne en Chine pour y recruter des volontaires. Il continue ses recherches archéologiques qui inspirent Chine, la grande statutaire.
Malade, il quitte définitivement l’Asie fin 1917. Il prend part à la lutte contre l’épidémie de « grippe espagnole» à l’hôpital de Brest, mais son travail l’épuise. Il essaye de créer un centre culturel extrême oriental en France en 1918. Après deux mois de convalescence à Alger, il meurt le 21 mai 1919 en forêt d’Huelgoat.
Huelgoat. 23 mai 1919, la mort mystérieuse de l’écrivain Victor Segalen (Ouest France, 26/05/2019)
Victor Segalen est mort le 23 mai 1919, en forêt d’Huelgoat. Mais sa mort comme son œuvre est assez mystérieuse. Comme s’il l’avait lui-même mise en scène.
Le mercredi 21 mai 1919, Victor Segalen, très affaibli par une dépression qui le ronge depuis sept mois, quitte l’hôtel d’Angleterre où il séjourne, à Huelgoat. Il a sa canne et son pique-nique. Au moment de sortir, il se ravise et revient troquer ses bottines de chasse contre une paire de souliers bas. Le détail aura son importance. Il prend le chemin de la forêt vers 11 heures. Nul ne le reverra vivant.
L’après-midi, un violent orage éclate. On se dit qu’il s’est réfugié dans une auberge. Mais, le lendemain, l’inquiétude grandit. Les recherches commencent. Le vendredi 23, sa femme, Yvonne, arrive de Brest. Elle n’hésite pas un instant. Elle escalade le sentier qui domine le gouffre, parvient au sommet, et découvre son mari.
Une entaille à la cheville Il est en position assise, les yeux ouverts. Il a plié son manteau d’officier de marine pour s’en faire un oreiller. Près de lui, un volume des œuvres de Shakespeare en anglais, ouvert sur une page de Hamlet, avec, comme garde page, une photo de sa femme.
La cause du décès saute aux yeux. Il a le pied gauche déchaussé, une entaille au creux de la cheville. Un mouchoir est noué au-dessus de la blessure, comme pour faire un garrot. Et, tout autour du pied, une grande mare de sang.
«Blessé, sans doute par un bois taillé en biseau, il a eu la force de venir mourir là où il savait que seule je saurais le retrouver», écrit Yvonne Segalen. En effet, une semaine plus tôt, les deux époux étaient venus à cet endroit, ils y avaient lu la page de Hamlet qu’on retrouvera ouverte près du corps. Malgré ces circonstances troublantes, Yvonne impose la thèse de l’accident et refuse l’autopsie. Les obsèques sont célébrées dès le lendemain matin, et l’écrivain est enterré au cimetière d’Huelgoat.
L’hypothèse du suicide Pourtant, dès le début, l’hypothèse du suicide, si difficile à admettre à cette époque, est évoquée par certains de ses amis, ainsi que par ses collègues médecins de l’hôpital maritime de Brest. Victor Segalen souffre en effet d’une profonde dépression: il ne peut plus écrire, ne parvient pas à arrêter l’opium, se trouve dans une impasse affective entre sa femme Yvonne et sa maîtresse Hélène Hilpert, il a perdu le commandement de l’hôpital maritime de Brest, n’obtient pas de la Marine une mise en congés.
Des faits matériels sont aussi troublants: il a revêtu pour cette promenade son uniforme d’officier de Marine, ce qu’il ne faisait jamais. Il a mis des chaussures basses, ce qui rend l’accident possible. L’entaille a sectionné une petite artère de la malléole interne, un geste quasi-chirurgical. Un canif est retrouvé à proximité. Par contre, on ne retrouve aucune trace de sang dans le sentier, ni de «bois taillé en biseau». Certes, la pluie de l’orage a pu laver le sang, mais comment se fait-il alors que les pages du livre de Shakespeare n’aient absolument pas souffert de la pluie? Serait-il mort bien plus tard? Enfin, s’il était blessé, pourquoi ne pas être descendu vers la route, où il pouvait trouver du secours rapidement, plutôt que d’avoir escaladé le sentier?
Tout laisse penser que Victor Segalen a lui-même voulu donner une aura mystérieuse et symbolique à sa mort (il comparait les chaos rocheux d’Huelgoat aux stèles des tombeaux chinois). «Il existe en chacun de nous une irréductible et forclose tanière que nous ne pouvons qu’entrouvrir à autrui, écrivait-il.Le moi essentiel reste tapi dans le fond de son antre.»
Elles sont des monuments restreints à une table de pierre, haut dressée, portant une inscription. Elles incrustent dans le ciel de Chine leurs fronts plats. On les heurte à l’improviste: aux bords des routes, dans les cours des temples, devant les tombeaux. Marquant un fait, une volonté, une présence, elles forcent l’arrêt debout, face à leurs faces. Dans le vacillement délabré de l’Empire, elles seules impliquent la stabilité. […]
Le socle se réduit à un plateau ou à une pyramide trapue. Le plus souvent c’est une tortue géante, cou tendu, menton méchant, pattes arquées recueillies sous le poids. Et l’animal est vraiment emblématique; son geste ferme et son port élogieux. On admire sa longévité: allant sans hâte, il mène son existence par-delà mille années.
Conseils au bon voyageur
Ville au bout de la route et route
prolongeant la ville : ne choisis donc
pas l’une ou l’autre, mais l’une
et l’autre bien alternées.
Montagne encerclant ton regard le rabat
et le contient que la plaine ronde libère.
Aime à sauter roches et marches;
mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat.
Repose-toi du son dans le silence,
et, du silence, daigne revenir au son.
Seul si tu peux, si tu sais être seul,
déverse-toi parfois jusqu’à la foule.
Garde bien d’élire un asile.
Ne crois pas à la vertu d’une vertu durable :
romps-la quelque forte épice
qui brûle et morde et
donne un goût même à la fadeur.
Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable,
sans mérites ni peine, tu parviendras,
non point, ami, au marais des joies immortelles,
Mais aux remous pleins d’ivresses du grand fleuve Diversité.
La maladresse est inévitable à la jeunesse – alors compte l’élan. Elle se trompe de fins, de moyens, et même d’objets, ignorante qu’elle est du monde, de l’étendue de ses capacités, des ressources d’un art juste. Le mal n’est pas que la jeunesse manque ce qu’elle est exposée à manquer; il serait qu’elle abandonne, mûrissant, le juste enthousiasme qui la nimbait dans l’erreur même – à quoi elle pourrait maintenant donner la bonne réplique de la bonne façon: que, par lassitude, elle renonce à ses nouvelles forces. Tu ne dois céder, vieille âme, ni quant à l’exigence d’une forme juste; ni, forte de savoirs nouveaux, oublier les farouches promesses de vérité et d’honneur qui donnent leur feu aux commencements. Défie-toi des flatteries. Elles offensent celui qui les reçoit comme celui qui les donne. Ose vouloir. Donne à ta vérité un tour naïf. La rouerie des roués? Faiblesse, dissimulation, esquive, fuite. Ose oser.. Va au Père. Prépare ta tête, qu’on la coupe, quand viendra l’heure. Personne qui puisse assumer ton devoir à ta place, à ta façon, dans ta cadence, sous les espèces du particulier désespéré signifiant désordre que, peut-être, tu aurais à orchestrer ainsi. C’est l’heure du rendez-vous. Le pèlerinage à la tour de Tübingen pourrait-il sceller l’accomplissement de la promesse? Qui sait? Peut-être dépendait-il de toi qu’aujourd’hui cela fût soutenu ainsi. Va, mon poème, et que s’ouvre la mer.
Jean-Paul Michel, Ecrits sur la poésie.1981-2012. Flammarion.
Poète, essayiste, éditeur, Jean Paul Michel est né à La Roche-Canillac (Corrèze) en 1948. Il rencontre Pierre Bergounioux en Terminale en 1965 au Lycée Georges-Cabanis de Brive. Il a d’abord publié sous le nom de Jean-Michel Michelena, puis depuis 1992 sous celui de Jean-Paul Michel. Il dirige les éditions William Blake & Co qu’il a créées en 1976 à Bordeaux et où il a publié, outre ses propres recueils, de très nombreux ouvrages de poésie, philosophie, esthétique, contemporains et classiques mêlés. Il a enseigné la philosophie à Bordeaux (Agrégation en 1973).
Je ne connaissais pas Jean-Paul Michel avant la lecture de sa correspondance avec Pierre Bergounioux, publiée en septembre 2018 chez Verdier. (Correspondance 1981-2017. Éditions Verdier 2018) J’ai assisté à la présentation de ce livre à la Librairie Compagnie, 58 rue de Écoles, 75005-Paris. Pierre Bergounioux semblait fatigué. Il parlait assez bas. Jean-Paul Michel était plus souriant et s’exprimait avec dynamisme. La collection Poésie/ Gallimard a publié peu après Défends-toi, Beauté violente! précédé de Le plus réel est ce hasard, et ce feu. C’est un écrivain qu’il faut lire.
(Merci à N. de C. qui m’a fait rechercher ce texte…)
Juan de Mairena. Sentencias, donaires, apuntes y recuerdos de un profesor apócrifo, 1936.
«Huid de escenarios, púlpitos, plataformas y pedestales. Nunca perdáis contacto con el suelo; porque sólo así tendréis una idea aproximada de vuestra estatura.»
«Es muy posible que, entre nosotros, el saber universitario no pueda competir con el folklore, con el saber popular. El pueblo sabe más, y sobre todo, mejor que nosotros. El hombre que sabe hacer algo de un modo perfecto –un zapato, un sombrero, una guitarra, un ladrillo– no es nunca un trabajador inconsciente, que ajusta su labor a viejas fórmulas y recetas, sino un artista que pone toda su alma en cada momento de su trabajo. A este hombre no es fácil engañarle con cosas mal sabidas o hechas a desgana.»
«Cuando se ponga de moda el hablar claro, ¡veremos!, como dicen en Aragón. Veremos lo que pasa cuando lo distinguido, lo aristocrático y lo verdaderamente hazañoso sea hacerse comprender de todo el mundo, sin decir demasiadas tonterías. Acaso veamos entonces que son muy pocos en el mundo los que pueden hablar, y menos todavía los que logran hacerse oír.»