J’ai lu avec interêt le livre de Jean-Marie Laclavetine. Je n’avais encore jamais rien lu de lui. Ce romancier et nouvelliste est né en 1954. Il est aussi éditeur, membre du comité de lecture des éditions Gallimard depuis 1989 et directeur de “La Blanche”. Sa famille, plutôt traditionnelle, vécut d’abord à Bordeaux, puis à Tours. Son père était cheminot, toujours en déplacement; sa mère, assistante sociale.
Il se souvient de l’année 1968. Au cours d’une promenade près du phare de Biarritz, aux rochers de la Chambre d’amour, sa sœur aînée Annie fut emportée par une vague le 1 novembre 1968 à 15h35. Elle mourut noyée. L’auteur était présent ainsi que son frère Bernard et le fiancé d’Annie, Gilles. Sa famille, déchirée par le chagrin, s’est enfermée dans le silence. Jean-Marie Laclavetine affirme, lui, qu’il est né ce jour-là à 14 ans.
Avec ce roman, il mène l’enquête pour reconstruire l’histoire de cette disparition. Il ne cherche pas la vérité. Il essaie seulement de reconstituer l’image de cette jeune femme écorchée vive, libre, moderne. Elle étudiait l’espagnol, avait voyagé en Espagne et au Mexique. Ses auteurs préférés étaient Calderón, Machado, García Lorca.
«D’Annie que reste-t-il? Qui était-elle? L’ai-je connue? Ce grand trou de silence en moi, par qui est-il habité? Cinquante ans plus tard, je me penche enfin au bord du puits noir.»
Epigraphe: Guillaume Apollinaire, La maison des morts.
Car y a-t-il rien qui vous élève
Comme d’avoir aimé un mort ou une morte
On devient si pur qu’on en arrive
Dans les glaciers de la mémoire
A se confondre avec le souvenir
On est fortifié pour la vie
Et l’on n’a plus besoin de personne
Alcools, 1913.
«J’ai toujours pensé, quoi qu’il en soit, que la parole mémorielle est une autre forme d’ensevelissement, de déformation, de destruction progressive. Les mots , pas plus que le silence, ne peuvent rien contre la mort.»
«On ne rencontre pas les morts on les porte.»
« La littérature ne répare pas, elle rend possible une autre vie, elle permet aux flux vitaux confinés dans l’obscurité de recommencer à circuler, de passer d’un corps à l’autre. Elle est la vie, le sang qui court, elle n’évite ni les maladies, ni les contagions, ni les douleurs»
« J’aime les secrets, pourvoyeurs de mystère, et j’aime le silence, souvent plus chargé de sens que les bavardages communs.»
«Nous portons tous en nous notre propre mort, ou plus exactement nos morts successives, mais ces morts ne surviennent que pour donner naissance à de nouveaux aspects de nous-mêmes.»
« La littérature a peut-être du moins ce pouvoir de réunir ce qui se disperse, d’assembler ce qui s’éparpille au vent des destinées singulières, de coudre ensemble les lambeaux épars que la mémoire accroche dans les recoins de nos consciences.»
«La mort m’a fait ce que je suis»