Vu jeudi 10 mai, jour de l’Ascension, à la Ferme du Buisson (Noisiel): Mes provinciales (2018). 137 min. Réal. et Sc: Jean-Paul Civeyrac. Dir. Photo: Pierre-Hubert Martin. Int: Andranic Manet, Gonzague Van Bervesselès, Corentin Fila, Diane Rouxel, Jenna Thiam, Sophie Verbeeck, Valentine Catzéflis. Charlotte Van Bervesselès, Nicolas Bouchaud Laurent Delbecque, Jeanne Ruff, David Abécassis, Arash Khodaiari, Saurédamor Ricard.
Étienne Tinan abandonne Lyon, sa famille modeste et sa petite amie Lucie pour venir vivre à Paris et suivre des études de cinéma à l’Université Paris 8. Il fait la connaissance d’autres étudiants: Jean-Noël, homosexuel et réaliste et Mathias, intransigeant et désespéré. Tous les trois sont des cinéphiles passionnés. Leurs conversations portent sur la littérature, la philosophie, la musique, l’art. Nerval et Novalis sont leurs auteurs favoris. Etienne partage un appartement avec Valentina, puis avec Annabelle («La fille de feu»). A la fin du film, il vit avec Barbara qu’il a rencontré dans une maison de production. Etienne, assis sur un canapé, regarde dehors. La fenêtre est grande ouverte sur la ville.
Le titre du film évoque à la fois les jeunes filles avec lesquelles Etienne a des relations sentimentales, mais aussi Les Provinciales de Pascal. Celui-ci a critiqué les jésuites et la casuistique laxiste défendue par certains d’entre eux.
Le film est divisé en quatre parties («Un petit château de bohème», «Un illuminé», «Une fille de feu», «le soleil noir de la mélancolie» et un épilogue («Deux ans après»). Ces sous-titres renvoient aux nouvelles et aux poèmes de Gérard de Nerval. Presque toute l’action se déroule pendant l’hiver 2017.
C’est un film d’apprentissage traitant d’amitié, de prise de conscience, d’éducation sentimentale et de cinéma. Jean-Paul Civeyrac fait des films à la première personne, comme naguère François Truffaut ou Jean Eustache. Son regard correspond à la vision de ces jeunes hommes. Sa mise en scène est fluide et économe. Il filme Paris avec soin et délicatesse: les immeubles, les rues, les quais de Seine, les Tuileries. Très belle scène lorsque Etienne et Mathias marchent le long du fleuve, tard la nuit. Les personnages sont excessifs et immatures, mais aussi fragiles et sensibles. Le noir et blanc, la place des livres et de la musique classique (Bach surtout) contribuent à la beauté du film.
Jean-Paul Civeyrac vient d’un milieu modeste et de Firminy, dans la banlieue de Saint-Etienne. Il a été étudiant en cinéma, puis a enseigné à la Femis et à Paris 8. Les jeunes étudiants qu’ils montrent sont certes très minoritaires, mais ils s‘interrogent sur la manière dont ils pourront faire du cinéma. Ils paraissent hors du temps, mais ne le sont pas tant que cela. Les sentiments non exprimés, les non-dits contribuent à l’émotion qui se dégage du film.
Filmographie
1997: Ni d’Ève ni d’Adam.
2000: Les Solitaires.
2002: Fantômes.
2002: Le Doux Amour des hommes.
2003: Toutes ces belles promesses.
2005: À travers la forêt.
2010: Des filles en noir.
2014: Mon amie Victoria.
2018: Mes provinciales.