Vu mercredi 11 avril à la Ferme du Buisson (Noisiel) :
La Prière (2017) 107 min. Réal.: Cédric Kahn. Sc: Fanny Burdino, Samuel Doux, Cédric Kahn d’après une idée originale d’Aude Walker. Dir. Photo: Yves Cape. Int: Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl, Louise Grinberg, Antoine Amblard, Maïté Maille, Hanna Schygulla.
https://www.youtube.com/watch?v=Y1bR6hCyMqM
Le mois dernier, je m’étonnais du nombre de films français traitant de la religion. J’avais été déçu par L’Apparition de Xavier Giannoli. En revanche, La Prière de Cédric Kahn m’a convaincu par sa mise en scène rigoureuse et dépouillée. Il me semble être dans la lignée de Silence (2016) de Martin Scorsese, adaptation du roman historique éponyme de Shusaku Endo (1966).
Thomas est un toxicomane de vingt-deux ans. On ne sait quasiment rien de son passé si ce n’est qu’il vient de Bretagne. Pour sortir de sa dépendance à l’héroïne, il rejoint une communauté catholique d’anciens drogués isolée dans la vallée du Trièves en Isère. Cette communauté, aux allures de secte, impose à ces jeunes gens un changement de vie radical. La prière, le travail et la vie en groupe doivent les sortir de la drogue . Cédric Kahn nous raconte l’histoire d’une reconstruction, d’une résurrrection.
L’utilisation de la même aria Bist du bei mir, composée par le musicien allemand Gottfried Heinrich Stölzel (1690-1749) dans son opéra Diomède, ou l’innocence triomphante (1718), longtemps attribuée à Jean-Sébastien Bach rythme le film. On l’entend à trois moments très importants: quand Sybille, la fille d’un couple de voisins qui aide la communauté, ramène Thomas vers ce refuge; quand, Thomas, lors d’une excursion en montagne avec le groupe est miraculeusement (?) guéri de sa blessure au genou alors qu’il s’est perdu et a chuté lourdement; quand il change d’avis, s’échappe du chemin qui allait l’emmener au séminaire et décide de retrouver Sybille qui travaille sur un chantier archéologique en Espagne.
Le film est inspiré d’expériences réelles et de communautés existantes comme le Cenacolo. Cédric Kahn s’est servi de nombreux témoignages recueillis par ses co-scénaristes, Fanny Burdino et Samuel Doux. Le réalisateur nous montre un voyage de la mort vers la vie. Ce n’est pas tant la foi qui sauve Thomas que l’amitié des autres pensionnaires et l’amour de Sybille qui va l’aider à chaque étape à prendre les bonnes décisions. Cédric Kahn, qui est agnostique, laisse le spectateur libre d’interpréter chaque épisode à son gré. La nature joue un grand rôle dans ce film, comme dans le précédent, Vie sauvage (2014). Le rude paysage alpestre avec le froid, la neige, le brouillard, les rochers, la lune s’oppose au lumineux paysage méditerranéen avec le soleil, la lumière, la mer.
Les acteurs sont excellents: particulièrement Anthony Bajon (Ours d’argent du meilleur acteur à la Berlinale 2018), Damien Chapelle, Alex Brendemühl, Louise Grinberg et Hanna Schygulla. J’aime les films de Cédric Kahn car ils sont ancrés dans une réalité sociale et traitent de questions existentielles. Ses personnages ne sont jamais manichéens.
Filmographie de Cédric Kahn:
1991: Bar des rails.
1994: Trop de bonheur (version cinéma du téléfilm réalisé pour Arte intitulé Bonheur dans la série Tous les garçons et les filles de leur âge).
1996: Culpabilité zéro (téléfilm).
1998: L’Ennui.
2001: Roberto Succo.
2004: Feux rouges.
2005: L’Avion.
2009: Les Regrets.
2012: Une vie meilleure.
2014: Vie sauvage.
2018: La Prière.
Bist du bei mir: Camerata Budapest est dirigée par Laszlo Kovacs, et est accompagnée de Ingrid Kertesi (soprano)
Paroles (G.-H. Stöltzel)
Bist du bei mir, geh’ ich mit Freuden
zum Sterben und zu meiner Ruh’.
Ach, wie vergnügt wär’ so mein Ende,
es drückten deine schönen Hände mir die getreuen Augen zu!
Traduction:
Si tu restes avec moi, alors j’irai en joie
Vers ma mort et mon doux repos.
Ah! comme elle serait heureuse, ma fin,
Tes jolies mains fermant mes yeux fidèles!