Paco Ibáñez

Paco Ibáñez.

Paco Ibáñez vient d ‘avoir 90 ans le 20 novembre dernier. Cela ne l’empêche pas de commencer bientôt une mini-tournée : Barcelone le 16 janvier ( Palau de la Música ), Madrid le 27 janvier ( Teatro Coliseum ), Bilbao le 15 février ( Teatro Campos Elíseos) ainsi qu’un recital à Paris dont la date et le lieu restent à préciser.

Voir l’article de Borja Hermoso dans El País du 10/01/2024. “Paco Ibáñez, el juglar rojo: “Ya no hay indignación, ya no hay opinión, todo es yo, el ‘yoismo’!”

La más bella niña (Luis de Góngora). 1580. ” Dejadme llorar/orillas del mar “

” La poesía es como el mar, pregúntale al mar qué piensa de la crisis económica, social, cultural o moral…El mar está ahí y si quieres acercarte te recibirá con los brazos abiertos, y la poesía es igual. Si tú te alejas de la poesía, ella seguirá viviendo y siempre estará esperando.” (Paco Ibáñez. El País, 16 novembre 2024)

Luis de Góngora (Diego Velázquez). 1622. Boston, Musée des Beaux-Arts.

Vicente Aleixandre

Prix Nobel de littérature 1977

Subida a la alcazaba

Subir por esa escala, callando, hacia arriba, hacia la luz.

Alcazaba mía malagueña!

Subir por la sombra, presintiendo arriba todavía el agua antigua de la fuente que fluye.

Subir con el corazón que ahora sufre, solo, creído.

Quién encontrara, niño que fui y que, acodado, veías

el vasto paisaje de Málaga, leve en las luces!

Quién supiera que arriba estabas, solo asomado!

La mejilla en la mano, sobre la piedra, el pecho en la piedra.

Y unos ojos serenos, todavía nacientes, puros, mirando.

Subir por esta escala muda, sin ruido en la sombra.

Subir apresurándose, casi como un sueño dichoso, con el corazón oprimido pero esperando.

Y saber que arriba está el niño que fuera, que fue, que dura y contempla.

Masa de tiempo dulce, sí, suspendido.

sobre una Málaga que volaba, blanda en las luces.

Y asomar y un instante verle, quieto, concreto,

con su rostro en su mano niña, y el aire, y oír el agua.

Y cerrar poco a poco los ojos – Málaga, quién te mira! –

y abrirlos luego despacio, leve – y otra vez el agua…-,

ahora niño claro que aquí acodado, puro, contempla.

(poème publié dans la revue de poésie de Málaga Caracola n•10. Août 1953.)

Málaga. Port. Alcazaba.

Federico García Lorca – Ángel González

Federico García Lorca. La Barraca.

De otro modo (Federico García Lorca)

La hoguera pone al campo de la tarde,

unas astas de ciervo enfurecido.

Todo el valle se tiende. Por sus lomos,

caracolea el vientecillo.

El aire cristaliza bajo el humo.

Ojo de gato triste y amarillo?

Yo en mis ojos, paseo por las ramas.

Las ramas se pasean por el río.

Llegan mis cosas esenciales.

Son estribillos de estribillos.

Entre los juncos y la baja tarde,

qué raro que me llame Federico!

Canciones, 1921-1924.

La traduction d’Andre Belamich ne me convainc pas du tout.

D’une autre façon

À la plaine du soir le feu de joie

met des ramures de cerf en furie.

Tout le vallon repose. Sur son dos

caracole un léger zéphyr.

L’air s’affine en cristal sous la fumée

comme un œil de chat jaune et triste.

Moi dans mes yeux je me promène

par le feuillage qui s’en va le long des rives.

Il atteint mille choses essentielles

– ritournelles de ritournelles-

Parmi l’arrière-soir peuplé de joncs

” Federico “, curieux que j’aie ce nom.

Àngel González se souvient de Federico…

De otro modo (Ángel González)

Cuando escribo mi nombre,

lo siento cada día más extraño.

Quién será ése?

me pregunto.

Y no sé qué pensar.

Ángel.

Qué raro.

Deixis en fantasma, 1992.

Angel Gonzalez.

César Vallejo

Balzac (Auguste Rodin). Variante de l’étude finale. 1897. Plâtre. Paris, Musée Rodin. (CFA. Photo prise au Musée Bourdelle à Paris. Exposition Rodin / Bourdelle. Corps à corps)

Nathalie de Courson a publié le 27 décembre 2024 sur son blog (Patte de mouette) un texte qu’elle a intitulé Robes de chambre. J’ai relu peu de temps après le poème de Vallejo Dos niños anhelantes.

https://patte-de-mouette.fr/2024/12/27/robes-de-chambre/

” Es la vida no más, de bata y yugo. ” Les traductions de François Maspero et de Gérard de Cortanze sont assez décevantes. La bata a disparu. Elle devient chemise et corsage. Je ne leur jette pas la pierre. César Vallejo est très difficile, sinon impossible à traduire. La meilleure version est, selon moi, celle de Nicole Réda-Euvremer. (Poésie complète 1919-1937. Flammarion, 2009). Je ne l’ai pas sous la main en ce moment et je ne sais pas ce qu’elle propose.

Dos niños anhelantes (César Vallejo)

No. No tienen tamaño sus tobillos; no es su espuela
suavísima, que da en las dos mejillas.
Es la vida no más, de bata y yugo.

No. No tiene plural su carcajada,
ni por haber salido de un molusco perpetuo, aglutinante,
ni por haber entrado al mar descalza,
es la que piensa y marcha, es la finita.
Es la vida no más; sólo la vida.

Lo sé, lo intuyo cartesiano, autómata,
moribundo, cordial, en fin, espléndido.
Nada hay
sobre la ceja cruel del esqueleto;
nada, entre lo que dio y tomó con guante
la paloma, y con guante,
la eminente lombriz aristotélica;
nada delante ni detrás del yugo;
nada de mar en el océano
y nada
en el orgullo grave de la célula.
Sólo la vida; así: cosa bravísima.

Plenitud inextensa,
alcance abstracto, venturoso, de hecho,
glacial y arrebatado, de la llama;
freno del fondo, rabo de la forma.
Pero aquello
para lo cual nací ventilándome
y crecí con afecto y drama propios,
mi trabajo rehúsalo,
mi sensación y mi arma lo involucran.
Es la vida y no más, fundada, escénica.

Y por este rumbo,
su serie de órganos extingue mi alma
y por este indecible, endemoniado cielo,
mi maquinaria da silbidos técnicos,
paso la tarde en la mañana triste
y me esfuerzo, palpito, tengo frío.

2 de noviembre de 1937.

Poemas humanos, 1939.

Ardents désirs de deux enfants

Non. Leurs chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas leur éperon
très doux, qui frappe les deux joues.
C’est la vie, rien de plus, avec joug et chemise.

Non. Leur rire n’a pas de pluriel,
même sorti d’un perpétuel, agglutinant mollusque,
même entré dans la mer pieds nus,
C’est un rire qui pense et qui marche, un rire fini.
C’est la vie, rien de plus ; seulement la vie.

Cela je le sais, je le sens ; cartésien, automatique,
moribond, cordial, splendide enfin.
Il n’y a rien
sur le cil cruel du squelette,
rien entre ce qu’a donné et pris,
avec un gant, la colombe,
et un gant, encore,
l’éminent lombric aristotélicien ;
rien devant ni derrière le joug ;
rien, ni mer ni océan,
rien dans la fierté sévère de la cellule.
Seulement la vie, telle qu’elle est ; âpre et belle.

Plénitude bornée,
portée abstraite, bénéfique, en fait,
glaciale et impétueuse, de la flamme ;
mots du fond, queue de la forme.
Mais ce pour quoi
je suis né, emplissant mes poumons,
et j’ai grandi entouré de tendresse et de drame,
mon travail le refuse,
mes sens et mon arme le figent.
C’est la vie, rien de plus, solide, scénique.

Et sur ce chemin
mon âme éteint sa série d’organes
et sous ce ciel indicible possédé du démon,
ma machinerie lance des sifflements techniques,
je passe la soirée dans la matinée triste
et je me débats, je palpite, j’ai froid.

2 novembre 1937.

Poèmes humains. Éditions du Seuil, 2011. Traduction François Maspero.

Deux enfants haletants

Non. Ses chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas son éperon
si doux, qui touche ses deux joues.
C’est la vie, c’est tout, avec joug et corsage.

Non. Son éclat de rire n’a plus de pluriel,
ni pour être sorti d’un mollusque perpétuel, agglutinant,
ni pour être entré dans la mer déchaussée,
elle est qui pense et qui marche, elle est finie.
Elle est la vie, c’est tout ; rien que la vie.

Je le devine, par intuition, cartésien, automate,
moribond, cordial, splendide enfin.
Il n’y a rien
sur le sourcil cruel du squelette ;
rien, entre ce que donna et prit avec un gant
la colombe, et avec un gant,
l’éminent lombric aristotélicien ;
rien devant ni derrière le joug ;
rien de la mer dans l’océan
et rien
dans l’orgueil grave de la cellule.
Rien que la vie ; ainsi : très dure.

Plénitude inétendue
portée abstraite, heureuse, en fait,
glaciale et emportée, de la flamme ;
frein du fond, queue de la forme.
Mais même cela
Pourquoi je suis né en me ventilant
et pourquoi je grandis avec mon affection et mon drame propres,
mon travail le refuse,
ma sensibilité et mon arme l’involucrent.
C’est la vie, c’est tout, fondée et théâtrale.

Et en suivant cette direction
mon âme éteint sa série d’organes
et en suivant cet indicible, ciel démoniaque,
ma machinerie lance des sifflements techniques,
j’ai vu l’après-midi dans le matin triste
et je m’évertue, je palpite, je grelotte.

2 novembre 1937.

Poésie complète. Traduction Gérard de Constanze. Flammarion, 1983.

Buste de César Vallejo Busto (Miguel Baca Rossi). Madrid. Parque del Oeste. Paseo del Pintor Rosales. (CFA)

Bang Hai Ja 1937-2022

Chartres. Cathédrale Notre-Dame. (CFA). 1194-1230.

Cinq jours dans le Perche et à Chartres. Temps froid, épais brouillard, mais un jour ensoleillé, avec une belle lumière, à Chartres justement.

Nous avons visité une fois encore la cathédrale Notre-Dame. Nous avons marché dans les ruelles de la vieille ville. Nous sommes entrés pour la première fois dans la Chapelle Saint-Piat qui renferme le trésor de la cathédrale. Elle a rouvert le 21 septembre 2024 après 24 ans de recherches et de restauration. Au fond de la cathédrale, un escalier vitré conduit à l’ancienne chapelle du premier étage. Le trésor est visible dans celle-ci et le dépôt lapidaire dans l’ancienne salle capitulaire qui se trouve au rez-de-chaussée. Les deux salles communiquent par un escalier dans la tourelle sud.

Nous y sommes allés surtout pour admirer les quatre nouveaux vitraux de l’artiste coréenne Bang Hai Ja qui remplacent les panneaux précédents qui n’étaient pas décorés. Nous avions découvert cette magnifique artiste au Centre Pompidou en septembre.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2024/09/27/bang-hai-ja/

Dans le projet que Bang Hai Ja a conçu pour la salle capitulaire, on retrouve le vocabulaire abstrait qu’elle a généralement utilisé, les compositions centrées et aussi les structures circulaires présentes dans les années 1970 comme représentations de l’univers. Face aux souffrances et aux violences du monde qui l’entoure, elle a souhaité insister sur le fait que l’univers est fait de lumière, de couleur et d’énergie. Elle délivre ainsi sur ces quatre panneaux un message de paix et affirme :

« La Lumière est Vie

La Vie est Amour

L’Amour est Joie

La Joie est Paix. »

Les quatre baies (388 x 146 m pour la plus petite ; 426 x 162 m pour les trois autres) ont été mises en place en 2022. L’artiste ne les a jamais vu installés. Elle est décédée le 15 septembre 2022.

Photos (CFA).

Manuel Vicent

Manuel Vicent (Siro). 2013.

Un bel article encore de Manuel Vicent dans El País. Envie de plus de soleil et de plus de lumière. « Mehr Licht ! (Plus de lumière !) » furent les dernières paroles de Goethe, définitivement ambiguës.

El País, 21 de diciembre de 2024

Divagaciones ante un turrón de coco

Los antiguos romanos también montaban mercadillos en el foro y por allí andarían Horacio, Ovidio y Virgilio comprando regalos

Hoy, sábado 21 de diciembre de 2024, a las tres de la madrugada en el hemisferio norte se ha producido el solsticio de invierno. La luz del sol ha empezado a crecer y así lo hará hasta que llegue el verano. Los antiguos romanos celebraban este acontecimiento con las Saturnales, unas fiestas paganas en honor a Saturno, el dios de la agricultura y la cosecha, y que originalmente transcurrían entre el 17 y el 23 de diciembre. En esencia nada ha cambiado en nuestra cultura desde entonces. Los romanos también montaban mercadillos en el foro y por allí andarían Horacio, Ovidio y Virgilio comprando regalos, velas, figuritas de barro y dulces tradicionales para amigos y parientes. Por una vez los esclavos se sentaban a la mesa y eran servidos por sus amos, como sucede en la película Plácido, de Berlanga. Las fiestas estaban presididas por la alegría de los niños y por la nostalgia de los ancianos. Como pasaba con la luz del solsticio, unos llegaban a la vida y otros la abandonaban.

Los cristianos convirtieron el sol naciente en el Niño Dios que nació en un portal. En Roma había toda clase de religiones. Uno elegía sin problemas la que más le gustaba. En aquel tiempo era muy popular un dios solar importado de Persia, llamado Mitra, que había nacido de una virgen y que moría y resucitaba cada año de la misma forma como lo hacen las semillas que primero se pudren bajo tierra y a continuación germinan, florecen y dan frutos de toda índole. En sus orígenes, el cristianismo fundado por el genio de Pablo de Tarso tomó de este dios persa toda la sustancia de su nueva religión que se expandió en los extramuros de las ciudades, primero entre judíos de la diáspora y después entre los gentiles. La nueva secta de los cristianos comenzó a ser perseguida y echada a los leones del circo no por creer en un dios extraño sino porque trataba de derribar el poder de Roma, en una lucha contra el sistema, cosa que al final logró cuando el emperador Constantino se convirtió al cristianismo y promulgó el edicto de Milán en el 313. En el Derecho Romano las deudas no pagadas podían convertirte en esclavo del acreedor. Durante su persecución, los cristianos rezaban el padrenuestro en las catacumbas, que era una oración revolucionaria y antiesclavista, puesto que pedía que las deudas fueran perdonadas. Por otra parte, el cristianismo fue creado para apaciguar a los pobres de este mundo al asegurarles que serían los primeros en sentarse en el cielo a la diestra de Dios Padre, de modo que debían dejar aquí en la tierra la rebelión para más adelante. Por su parte, el sol no perderá ni por un segundo la costumbre de ir ganando un poco de tiempo al amanecer y en su crepúsculo por la tarde.

Epifanía significa manifestación de la luz. A partir Reyes nos sorprenderá que el sol se ha demorado en el grafiti de la tapia. Ese Dios que unos creen que nació en el portal de Belén y otros que solo se trata de una fecha del almanaque, hará que se despierte la savia en los árboles cuando llegue la candelaria y después obligará a que en las ramas desnudas apunten las gemas que reventarán un poco más tarde. Habrá lluvias y sonarán los canalones; habrá nevadas y el sol de marzo producirá el deshielo y puede que se repita el milagro al que asistí hace años: un colibrí de color verde esmeralda, rojo y azul, se había detenido aleteando en el aire y con el pico cazaba una gota brillante, como de plata, que caía desde una rama del roble cargada de nieve. El sol irá madurando sobre la espalda jeroglífica de los lagartos y abril incidirá en el azúcar que liban los insectos en el corazón de las flores. Puede que en mayo se inicie la rebelión solar con la primera ola de calor sofocante que unos achacarán al cambio climático y otros a las tormentas solares, cosas que han pasado toda la vida, pero en la humanidad se seguirá extendiendo un sentimiento de culpa por lo que estamos haciendo con el planeta, puesto que los cataclismos, incendios, inundaciones, terremotos, huracanes, sucederán cada vez más a menudo y serán más destructivos, pese a los cual en los mercados habrá frutas de todas clases, cerezas y fresas en junio y uno se creerá más feliz por el hecho de haberse dado una crema en la playa, extender el cuerpo en la arena y esperar a que el sol elija entre hacerte un magnífico bronceado o un cáncer de piel. A fin de cuentas, para ser feliz basta con comprarse una camisa con palmeras y unas botas de montaña para escalar unas ruinas sin saber que es la propia la que uno escala. De pronto la luz del sol se irá apagando y cuando llegue la noche de san Juan con el solsticio de verano todos nuestros sueños de luz habrán vuelto a empezar o habrán terminado. Estas son divagaciones ante una bandeja de turrones de Navidad.

Saturnalia (Ernesto Biondi) 1905. Jardín Botánico de Buenos Aires.

Auguste Rodin – Antoine Bourdelle

Rodin / Bourdelle. Corps à corps. Du 2 octobre 2024 au 2 février 2025. Musée Bourdelle 18, rue Antoine-Bourdelle. 75015 Paris.

Le musée Bourdelle est situé à Montparnasse dans l’ancien atelier du sculpteur. Il a été sauvé de la destruction au début des années 1930. Il a connu deux extensions en 1961 (architecte : Henri Gautruche) et en 1992 (architecte : Christian de Portzamparc). Le musée a été rénové au début des années 2020 et a rouvert en mars 2023.

L’exposition Rodin / Bourdelle. Corps à corps réunit 96 sculptures, 38 dessins, 3 peintures et 26 photographies. Elle éclaire la relation entre les deux artistes qu’une génération sépare. Elle met bien en valeur leurs concordances et leurs divergences, leurs fraternités et leurs antagonismes. Antoine Bourdelle (1861-1929) admirait beaucoup Auguste Rodin (1840-1917). Il a travaillé pour lui pendant quinze ans comme praticien, chargé de tailler des marbres. Il travaillait lentement et le maître était impatient ce qui créa parfois entre eux quelques frictions. Rodin percevait néanmoins en Bourdelle un « éclaireur de l’avenir ».

Dernière de l’exposition Rodin / Bourdelle/ Corps à corps.

La dernière salle est extraordinaire. Elle permet une véritable réflexion sur l’évolution de la sculpture et de la modernité. En effet, l’exposition se termine sur l’exploration de la figure debout dans la lignée de l’Homme qui marche de Rodin. L’Autoportrait sans bras de Bourdelle, Le Serf d’Henri Matisse (1869-1954), L’Homme qui marche de Germaine Richier (1902-1959) et l’Homme traversant une place d’Alberto Giacometti (1901-1966) mettent en évidence la postérité de la voie expressionniste de Rodin ainsi que celle de la synthèse de Bourdelle. Les deux maîtres sont à la source des avant-gardes. On le voit aussi dans l’exposition avec des œuvres de Constantin Brancusi (1876-1957), Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), Ossip Zadkine (1888-1967) et Chana Orloff (1888-1968).

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2023/03/21/auguste-rodin-alberto-giacometti-germaine-richier/

L’Homme qui marche (Auguste Rodin). Bronze. Fonte Rudier. Paris, Musée Rodin.
Autoportrait sans bras (Antoine Bourdelle). 1908. Bronze. Fonte Rudier. Paris, Musée Bourdelle.
Le Serf (Henri Matisse). 1900-1903. Bronze. Nice, Musée Matisse.
L’Homme qui marche (Germaine Richier). 1945. Bronze. Paris, Centre Pompidou.
Homme traversant une place (Alberto Giacometti). 1949. Bronze. Zürich Alberto Giacometti Stiftung.

Harriet Backer – Francisco de Goya

Nous avons vu récemment au Musée d’Orsay l’exposition Harriet Backer La musique des couleurs. Elle est visible du 24 septembre 2024 au 12 janvier 2025.

Méconnue en dehors de son pays, Harriet Backer (1845-1932) a été la peintre la plus célèbre en Norvège à la fin du XIXe siècle. À une époque où les femmes n’étaient pas considérées là-bas comme des citoyennes à part entière, elle est devenue une figure importante de la scène artistique de son époque. Pour parfaire sa formation, elle s’est rendue à Munich et à Paris.

L’exposition présente aussi d’autres artistes femmes scandinaves, également formées à travers l’Europe et qui partageaient ses engagements féministes.

Les grands thèmes cette artiste sont les suivants : les intérieurs rustiques, les peintures d’églises traditionnelles norvégiennes, les paysages et les natures mortes. Une large place est laissée aux représentations de scènes musicales. Nombre de ses proches étaient en effet des musiciens reconnus.

Le travail du Musée d’Orsay est remarquable car il propose, en plus de grandes expositions de peintres célèbres (par exemple du 08 octobre 2024 au 19 janvier 2025 Caillebotte Peindre les hommes), des découvertes d’ artistes moins connus mais importants pour comprendre les grandes évolutions de l’art de la seconde moitié du XIXe siècle.

Relevailles, sacristie de l’église de Tatum. 1892. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Un tableau a attiré particulièrement mon attention. Il s’agit de Relevailles, sacristie de l’église de Tatum. 1892. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Les relevailles étaient une cérémonie de l’Église catholique qui avait pour but de réintégrer une jeune mère ayant accouché, n’ayant pu se rendre à l’église pendant sa période de quarantaine, dans le cercle des fidèles et auprès de Dieu. La première mention de ce rituel se trouve dans l’Ancien Testament. Il y est dit qu’à partir de la naissance de son enfant, la mère doit s’éloigner des lieux de culte et ne peut assister aux cérémonies religieuses à cause de son impureté. Dans de nombreuses régions de France, entre interdits et regards peu complaisants, l’accouchement et la messe des relevailles étaient attendus avec hâte. En effet, si la quarantaine était facilement respectée par les plus riches, elle ne l’était pas pour les plus pauvres, notamment dans les milieux ruraux où il y avait un grand besoin de main-d’œuvre. La cérémonie des relevailles a été officiellement abolie en Norvège dès le XVIIIe siècle, mais elle était encore souvent pratiquée à la fin du XIXe siècle, certainement en raison des inquiétudes liées à la mortalité encore très élevée chez les nourrissons et les jeunes mères.

Francisco de Goya a peint aussi entre 1808 et 1812 La misa de parida (La Messe des relevailles). Ce tableau est conservé au Musée des Beaux-Arts d’Agen depuis 1900. Il représente l’intérieur d’une église pendant la messe. Une jeune mère en train d’être purifiée se trouve à genoux près d’un grand cierge derrière le prêtre, lequel est tourné vers l’autel et un crucifix.

La misa de parida (Francisco de Goya). Entre 1808 et 1812.Musée des Beaux-Arts d’Agen.

Paul Éluard – Louis Aragon

D’août 1922 à juillet 1924, Paul Éluard, Gala et Max Ernst vivent ensemble à Saint-Brice, puis à Eaubonne (Val d’Oise). Aragon est un témoin privilégié de l’hiver 1923-1924 pendant lequel Éluard est désespéré et fuit souvent le domicile conjugal.

Nudité de la vérité (Paul Eluard)

” Je le sais bien. “

Le désespoir n’a pas d’ailes,
L’amour non plus,
Pas de visage,
Ne parlent pas,
Je ne bouge pas,
Je ne les regarde pas,
Je ne leur parle pas
Mais je suis bien aussi vivant que mon amour et que mon désespoir.

Avril 1924.

Capitale de la douleur. Mourir de ne pas mourir. Gallimard, 1926.

« Paul Éluard quitta Paris brutalement le 24 mars 1924, avec l’idée de tout quitter et de faire le tour du monde. Il rentrera des mers du Sud en octobre de la même année. L’auteur de Roman inachevé avait évoqué cet épisode deux ans plus tôt, non sans erreurs de dates, dans le numéro des Lettres françaises du 20 novembre 1952, paru en hommage à Eluard après sa mort : « En 1926, est-ce que c’était bien en 1926 ? Il était déjà parti une fois. Ce petit univers de clameurs lui était devenu insupportable. Il m’avait pris pour confident, moi, de tous ses amis. Le dernier soir, la dernière nuit, nous les avions passées ensemble. Ce qu’il m’a dit alors, au juste, je ne l’ai jamais répété, je ne le répéterai jamais. C’était au temps où régnait le romantisme des départs. Il allait partir, il savait qu’on dirait, qu’on interpréterait… cela lui faisait horreur. Il m’avait laissé cette mission : casser les pattes à l’idéalisation de ce départ, ne pas permettre qu’on en fît un plat… Il disait ces mots avec rage. Tous simplement, il allait voyager, voyager. Ici, il ne voyait plus devant lui. » (repris dans L’Homme communiste II. Gallimard, 1953) » (Aragon, Oeuvres poétiques complètes II. Bibliothèque de la Pléiade, 2007).

« …Éluard a fini par choisir les mers du Sud. Il part pour Nice, ne s’embarque à Marseille, à bord de l’Antinoüs (!) que le 15 avril à destination de Tahiti où il débarquera le 30 mai. » (Olivier Barbarant, Victor Laby. Paul Eluard comme un enfant devant le feu. Editions Seghers, 2024.

Puis ce sera les îles Cook, la Nouvelle Zélande, Java, Sumatra, Ceylan. Max Ernst et Gala le rejoignent à Singapour. Paul Eluard et Gala débarquent seuls à Marseille le 27 septembre 1924. Un voyage peu glorieux , mais qui aura mis fin à une pente suicidaire pour le poète.

Monumento a Gala. La Punta de Torremolinos. Costa del Sol.

Le Mot « vie » (Aragon)

Nous avions parlé notre nuit Je l’ai mené jusqu’à la gare
Paul Éluard quittait Paris et sa vie un matin hagard
On ne connaîtra jamais du film que la scène des adieux

Adieu tu ne retourneras jamais à Sarcelles-Saint-Brice 
Paul une maison peinte dans Ithaque attendait-elle Ulysse
Tandis qu’autour de son esquif la mer se faisait mélopée

À toi de t’en aller par les atolls hantés de la Sirène
Tu ne monteras plus ici dans les balançoires foraines
Tu ne reverras plus les Gertrud Hoffman Girls croisant l’épée

L’aurore tous les jours se lèvera sans toi rue des Martyrs
Ne te retourne pas sur cette ville en feu Tu peux partir
Comme un faucheur derrière lui qui laisse les foins et la faux

Tu m’as dit en dernier je ne veux pour rien au monde qu’on brode
Sur les raisons de mon départ Va-t’en tranquille aux antipodes
C’est juré Je rirai de tout Je t’injurierai s’il le faut

Le Roman inachevé. Gallimard, 1956.

René Char

Nous avons vu samedi 30 novembre 2024 au Musée d’Art Moderne de Paris la très riche exposition L’Âge atomique. Les artistes à l’épreuve de l’histoire. (du 11 octobre 2024 au 09 février 2025).

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture/les-midis-de-culture-la-critique-emission-du-jeudi-17-octobre-2024-4106516

Malgré son refus de toute forme de littérature engagée, en 1965-1966, René Char participe activement au mouvement contre l’installation de missiles à tête nucléaire sur le plateau d’Albion, non loin d’Apt et de Céreste, où depuis les années de résistance le poète garde de fortes attaches.

La Provence Point Oméga. 1965. Livre. Imprimerie Union. Paris, Centre Pompidou. Bibliothèque Kandinsky.

En novembre 1965, il manifeste son refus de cette implantation en Haute-Provence. Il n’hésite pas à organiser rapidement des manifestations contre le projet et fait éditer à 2 000 exemplaires une petite brochure (avec 60 exemplaires tirés à part et signés) dans laquelle il dénonce violemment le danger atomique. L’affiche homonyme est imprimée en février 1966 avec un texte remanié et une illustration de Pablo Picasso.

La Provence point Oméga (Pablo Picasso). 19 février 1966.


Un tirage réimposé à 45 exemplaires, sur papier Auvergne, est réalisé, imprimé par l’imprimerie Union. Elle est publiée le 7 mai 1966 dans Le Provençal et le 1er juin 1966 dans La Marseillaise, journal communiste. Avec le rassemblement organisé à Fontaine-de-Vaucluse le 5 juin 1966 autour du poète, cette affiche est restée un symbole. Les partisans de la militarisation sont des adeptes déclarés d’une certaine forme de modernisation économique, technique et militaire, leurs adversaires ont d’autres discours. C’est notamment le cas de René Char, qui, en s’élevant contre la « ruine d’Albion », s’érige aussi en critique de ces croyances. « La science ne peut fournir à l’homme dévasté qu’un phare aveugle, une arme de détresse, des outils sans légende. Au plus dément : le sifflet de manœuvres » La Provence point oméga sera distribué sous forme de tracts et paraîtra en quatrième de couverture, en avril 1966, dans la revue Partisans, édité par François Maspéro.

La Provence point oméga (René Char)

Que les perceurs de la noble écorce terrestre d’Albion

mesurent bien ceci : nous ne nous battons pour un site où la

neige n’est pas seulement la louve de l’hiver mais aussi

l’aulne du printemps. Le soleil s’y lève sur notre sang

exigeant et l’homme n’est jamais en prison chez son

semblable. À nos yeux ce site vaut mieux que notre pain, car

il ne peut être, lui, remplacé.

La Provence Point Oméga, d’après un dessin original de Pablo Picasso. Texte de René Char. 1966. Affiche. Paris BnF.