Wonder Wheel (Woody Allen)

Vu hier soir à La Ferme du Buisson (Noisiel):

Wonder Wheel (2017) de Woody Allen avec Kate Winslet, James Belushi, Justin Timberlake, Juno Temple, Max Casella, Jack Gore, David Krumholtz, Debi Mazar, Steve Schirripa, Tony Sirico. . 1h41

Vittorio Storaro, le directeur de la photographie, a à son actif des films comme Prima della revoluzione, Le Conformiste, Le Dernier tango à Paris, Novecento (Bernardo Bertolucci), Apocalypse Now, Tucker (Francis Ford Coppola) Reds (Warren Beatty) , Café Society (Woody Allen)

Wonder Wheel croise les histoires de quatre personnages dans le cadre du parc d’attractions décadent de Coney Island, plage du sud de Brooklyn, dans les années 50. L’affiche du film d’Anthony Mann Winchester 73 avec James Stewart , qui date de 1950, apparaít à la devanture du cinéma.

Mickey (Justin Timberlake) est maître-nageur, rêve de Bora-Bora et a des ambitions de dramaturge. Ginny (Kate Winslet) est une ancienne actrice, malheureuse en ménage, qui gagne sa vie comme serveuse dans un restaurant minable. Elle ressasse ses échecs et ses erreurs. Elle a épousé Humpty (James Belushi), opérateur dans un manège, qui ne s’intéresse qu’à la pêche et au base-ball. Sa fille Carolina (Juno Temple) vient se réfugier chez son père après avoir fui son mafieux de mari. Steve Schirripa et Tony Sirico, les gangsters qui la poursuivent, sortent tout droit de la série Les Soprano. L’enfant de Ginny est malheureux et pyromane. Il passe plus son temps au cinéma qu’à l’école.

Woody Allen reste un grand cinéaste à 82 ans et 48 films. Il a été pris à son tour dans le contexte de l’affaire Weinstein et a produit là un de ses films les plus sombres avec Match Point (2005) et L’Homme irrationnel (2015). La grande roue, le manège évoquent le rôle essentiel du destin, du hasard, des coïncidences dans la vie et les films. Les personnages sont creux et inconséquents. Ils se bercent d’illusions. La théâtralité est assumée. Le film évoque à la fois William Shakespeare, Eugene O’Neill (Long voyage du jour à la nuit), Tennessee Williams (Un tramway nommé Désir) et Anton Tchekhov. La photographie est essentielle pour montrer la place de l’illusion dans la vie. L’approche est poétique et non réaliste. L’appartement évoque une scène de théâtre. Il a été aménagé avec des fonds verts et a été conçu pour qu’on puisse voir le monde extérieur par les fenêtres. Les personnages sont éclairés de rouge, de bleu, de doré. La vie à l’extérieur contraste complètement avec la vie à l’intérieur. Mickey est un artiste raté, un apprenti écrivain. Woody Allen en a fait le narrateur. Le sauveteur sur sa chaise haute peut observer le monde autour de lui. On retrouve l’auteur dans tous ses personnages; Il les regarde avec beaucoup de cruauté. Le personnage de Ginny (Kate Winslet) sort du lot. On pense à Blanche DuBois dans Un tramway nommé Désir. Elle se raconte des histoires pour arriver à vivre et garde ses robes et ses bijoux minables qu’elle porte parfois. Le rôle est porté par la grande Kate Winslet, magistrale dans ce film de Woody Allen comme l’ont été par le passé Cate Blanchett ou Meryl Streep. Woody Allen sait utiliser très bien les grandes actrices.
Le narrateur séducteur utilise cette formule essentielle: «Le coeur a ses hiéroglyphes…» On peut penser au principe énoncé par Octave (Jean Renoir) dans La règle du jeu: “ Le plus terrible dans ce monde c’est que chacun à ses raisons”.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19574417&cfilm=248372.html

Federico García Lorca

  

Federico García Lorca . Reloj de sol. Universidad de Columbia. Otoño de 1929.

New York (Oficina y denuncia)

 A Fernando Vela

Debajo de las multiplicaciones
hay una gota de sangre de pato;
debajo de las divisiones
hay una gota de sangre de marinero;
debajo de las sumas, un río de sangre tierna.
Un río que viene cantando
por los dormitorios de los arrabales,
y es plata, cemento o brisa
en el alba mentida de New York.
Existen las montañas. Lo sé.
Y los anteojos para la sabiduría.
Lo sé. Pero yo no he venido a ver el cielo.
Yo he venido para ver la turbia sangre.
La sangre que lleva las máquinas a las cataratas
y el espíritu a la lengua de la cobra.
Todos los días se matan en New York
cuatro millones de patos,
cinco millones de cerdos,
dos mil palomas para el gusto de los agonizantes,
un millón de vacas,
un millón de corderos
y dos millones de gallos,
que dejan los cielos hechos añicos.
Más vale sollozar afilando la navaja
o asesinar a los perros
en las alucinantes cacerías,
que resistir en la madrugada
los interminables trenes de leche,
los interminables trenes de sangre
y los trenes de rosas maniatadas
por los comerciantes de perfumes.
Los patos y las palomas,
y los cerdos y los corderos
ponen sus gotas de sangre
debajo de las multiplicaciones,
y los terribles alaridos de las vacas estrujadas
llenan de dolor el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.
Yo denuncio a toda la gente
que ignora la otra mitad,
la mitad irredimible
que levanta sus montes de cemento
donde laten los corazones
de los animalitos que se olvidan
y donde caeremos todos
en la ultima fiesta de los taladros.
Os escupo en la cara.
La otra mitad me escucha
devorando, orinando, volando, en su pureza
como los niños de las porterías
que llevan frágiles palitos
a los huecos donde se oxidan
las antenas de los insectos.
No es el infierno, es la calle.
No es la muerte, es la tienda de frutas.
Hay un mundo de ríos quebrados
y distancia inacesibles
en la patita de ese gato
quebrada por el automóvil,
y yo oigo el canto de la lombriz
en el corazón de muchas niñas.
Oxido, fermento, tierra estremecida.
Tierra tú mismo que nadas
por los números de la oficina.
¿Qué voy a hacer? ¿Ordenar los paisajes?
¿Ordenar los amores que luego son fotografías,
que luego son pedazos de madera
y bocanadas de sangre?
San Ignacio de Loyola
asesinó un pequeño conejo
y todavía sus labios gimen
por las torres de las iglesias.
No, no, no, no; yo denuncio.
Yo denuncio la conjura
de estas desiertas oficinas
que no radían las agonías,
que borran los programas de la selva,
y me ofrezco a ser comido
por las vacas estrujadas
cuando sus gritos llenan el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.

Federico García Lorca, Un poeta en Nueva York (1929-30) Publicado en 1940.

Voyage Chili-Ile de Pâques

Du 16 janvier au 1 février: Voyage au Chili entre cordillère et Pacifique.

  • Santiago de Chile.
  • Isla Negra (El Quisco): Maison de Pablo Neruda.

. Valparaíso.

. Viña del Mar.

  • Puerto Montt. Angelmó.
  • Puerto Varas. Lac Llanquihue. Volcans Osorio, Calbuco.
  • Parc national Pérez Rosales. Chutes de Petrohué. Lac de Todos los Santos.
  • Ile de Chiloé: Chacao. Dalcahue. Castro. Ancud.
  • Calama. San Pedro de Atacama. Quitor. Tulor. Vallée de la Lune.
  • Le Salar. Lac Chaxa.  Les lagunes altiplaniques (Miscanti, Miñiques). Socaire. Toconao.
  • Les geysers du Tatio. Col de las Vizcachas.  Machuca. Vallée de Guatín.
  • Pukará de Lasana. Vallée de l’Arco Iris. Chiu Chiu.
  • Ile de Pâques (Rapa Nui). Hanga Roa.

César Vallejo

Los heraldos negros

Hay golpes en la vida, tan fuertes… ¡Yo no sé!
Golpes como del odio de Dios; como si ante ellos,
la resaca de todo lo sufrido
se empozara en el alma. ¡Yo no sé!

Son pocos; pero son… Abren zanjas oscuras
en el rostro más fiero y en el lomo más fuerte.
Serán tal vez los potros de bárbaros atilas;
o los heraldos negros que nos manda la Muerte.

Son las caídas hondas de los Cristos del alma,
de alguna fe adorable que el Destino blasfema.
Esos golpes sangrientos son las crepitaciones
de algún pan que en la puerta del horno se nos quema.

Y el hombre… Pobre… ¡pobre! Vuelve los ojos, como
cuando por sobre el hombro nos llama una palmada;
vuelve los ojos locos, y todo lo vivido
se empoza, como charco de culpa, en la mirada.

Hay golpes en la vida, tan fuertes… ¡Yo no sé!

Los heraldos negros, juillet 1919.

Mort à Paris le 15 avril 1938, il est enterré au Cimetière du Montparnasse, douzième division. Epitaphe gravée sur sa tombe par son épouse, Georgette:  « J’ai tant neigé pour que tu dormes. Georgette. »

LES HERAUTS NOIRS

Il y a, dans la vie, des coups si forts… Moi je ne sais!
Des coups comme de Dieu la haine; comme si avant eux
le ressac de tout ce qui fut souffert
se déposait dans l’âme… Moi je ne sais!

Ils sont peu nombreux; mais ils sont… Ils creusent d’obscurs sillons
sur le plus fier visage, sur le dos le plus fort.
Ils sont parfois les poulains de barbares attilas;
ou bien les hérauts noirs que la Mort nous envoie.

Ce sont les chutes profondes des Christs de l’âme,
d’une adorable foi que le Destin blasphème.
Ces coups sanglants sont les crépitations
d’un pain brûlant pour nous à la porte du four.

Et l’homme… Pauvre… Pauvre! Il tourne les yeux, comme
quand sur l’épaule un battement de main nous appelle;
il tourne des yeux fous, et tout ce qu’il vécut
se dépose, comme une flaque de remords, dans le Regard.

Il y a des coups dans la vie, si forts… Moi je ne sais!

Traduction de Nicole Réda-Euvremer (Elle enseignait au Lycée Fénelon à Paris. Épouse du poète Jacques Réda)

César Vallejo Poésie complète 1919-1937 Flammarion, 2009.

Philippe Lançon, dans Libération, en 2009, disait: ” Une première traduction, voilà quinze ans, déjà chez Flammarion, ne donnait pas satisfaction. En voici une autre, plus sobre. Elle bute, avec modestie, sur le rythme, les sonorités, les néologismes, les tendres violences intérieures faites à l’espagnol.Traduire Vallejo, c’est comme traduire Rimbaud: chaque poème pourrait faire l’objet de versions toujours refaites, toujours insatisfaisantes, jusqu’au moment où l’on rêverait la dernière, l’idéale, celle qui rend justice au coeur de la langue, puis on mourrait avant de se réveiller pour l’écrire.”

Horace

«Caelum, non animum mutant qui trans mare currunt.»

«Ils changent de ciel mais pas d’âme, ceux qui courent au-delà des mers.»

Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) (Vénose, 8 décembre 65 av. J.C. – Rome 27 novembre 8 av. J.C. ) , Epîtres, Livre 1., Epître 11 (19 ou 18 av. J.C.)

Rosa Luxemburg (1871-1919)

Rosa la rouge, la juive, l’apatride.

Il y a 99 ans aujourd’hui Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht étaient assassinés.

«Au milieu des ténèbres, je souris à la vie, comme si je connaissais la formule magique qui change le mal et la tristesse en clarté et en bonheur. Alors, je cherche une raison à cette joie, je n’en trouve pas et ne puis m’empêcher de sourire de moi-même. Je crois que la vie elle-même est l’unique secret. Car l’obscurité profonde est belle et douce comme du velours, quand on sait l’observer. Et la vie chante aussi dans le sable qui crisse sous les pas lents et lourds de la sentinelle, quand on sait l’entendre.» A la veille du 24 décembre 1917 «Lettres de prison».

Je me sens partout chez moi dans le vaste monde, partout où il y a des nuages, des oiseaux et des larmesLettre à Mathilde Wurm.

Les Bouées jaunes (Serge Toubiana)


Les Bouées jaunes, de Serge Toubiana, Stock, 2018.

J’ai acheté et lu ce récit de Serge Toubiana pour Emmanuèle Bernheim, sa compagne depuis 1989. Pourtant, lecteur de toujours de la revue de cinéma Positif et non des Cahiers du Cinéma, l’homme m’était plutôt antipathique.
Critique aux Cahiers depuis fin 1972 en pleine période maoïste.
Rédacteur en chef de de la même revue de 1981 à 1991.
Directeur de la Cinémathèque française de 2003 à 2016.
Une institution à lui tout seul. Le gauchisme mène à tout.

Les livres de sa compagne Emmanuèle Bernheim, écrits dans un style minimaliste, eux, m’ont toujours plu.
«Le style d’Emmanuèle est fait de phrases courtes liées à l’action – le geste de marcher, de courir, de prendre le bus ou le métro, de conduire une voiture, de préparer un repas.» (page 138)

Oeuvres littéraires

Le Cran d’arrêt, Paris, Denoël, 1985. (Folio n° 2614)
Un couple, Paris, Gallimard, 1987. (Folio n° 2667)
Sa femme, Paris, Gallimard, 1993. Prix Médicis 1993 (Folio n° 2741)
Vendredi soir, Paris, Gallimard, 1998. (Folio n° 3287)
Stallone, Paris, Gallimard, 2002. (Folio n° 3287)
Tout s’est bien passé (récit), Paris, Gallimard, 2013. Grand prix des lectrices de Elle 2014. (Foilio n°5780)

Emmanuèle Bernheim est décédée du cancer le 10 mai 2017 à l’hôpital Bichat, à Paris, à 61 ans.

Un homme écrit donc sur la femme qu’il a aimée et perdue. Il raconte leurs vingt-huit ans de vie commune avec sobriété et émotion. L’écrivain c’est bien elle, et non lui.

«Elle vénérait Sartre, Françoise Sagan et Simenon.» (page 72)

«Elle aimait chez cet écrivain le mélange de monstruosité et de neutralité, une force physique qui l’autorisait à porter la littérature sur ses épaules, sans la moindre posture, tout en campant en dehors de la vie littéraire et de ses vanités.» (page 98)

«Son père lui avait demandé de l’aider à mourir.»(page 88).

Le décès de son père est survenu le 9 juin 2009. Voir «Tout s’est bien passé»

«Le cran d’arrêt commence à la manière d’un film d’Aldrich qu’elle adorait, En quatrième vitesse (Kiss me Deadly, le titre original).» (page 99)

«En m’aidant à faire le deuil d’Emmanuèle…» (page 135)

«Le poids des morts pèse longtemps sur la conscience des vivants…» (page 164)

«La vie a passé si vite.» (page 188). Dernière phrase du livre.

Je n’aime pas dans ce livre l’utilisation de l’expression «faire son deuil» que je ne supporte pas. Je n’aime pas trop non plus les allusions aux personnalités connues et amies du couple. J’aime bien, en revanche, l’évocation de la Bretagne et de la nage dans l’Océan. Je connais mieux maintenant qui était Emmanuèle Bernheim.

La chanson favorite d’Emmanuèle Bernheim était «Eye of the Tiger» du groupe américain Survivor. Elle fut écrite à la demande de Sylvester Stallone pour le film Rocky 3: L’Œil du tigre (1982).

12 jours (Raymond Depardon)

Vu avec beaucoup d’intérêt mercredi 10 janvier à La Ferme du Buisson (Noisiel) le documentaire du cinéaste Raymond Depardon 12 jours.

Nous avions vu, il y a quelques mois, à la Fondation Henri Cartier-Bresson (2 Impasse Lebouis, 75014 Paris) l’exposition Traverser du photographe Raymond Depardon. Cette Fondation s’installera au 79 rue des Archives, 75003 Paris en 2018.

Filmographie abrégée:

  • 1982 San Clemente.
  • 1983 Faits divers.
  • 1988 Urgences.
  • 1994 Délits flagrants.
  • 2004 10e chambre, instants d’audience.
  • 2016 Les Habitants.

Depuis la loi du 27 septembre 2013, toute personne internée en hôpital psychiatrique sans son consentement (soit 92 000 cas par an en France) doit être présentée à un juge des libertés et de la détention dans un délai de douze jours. Le juge dispose d’un rapport du psychiatre, mais il n’y a pas de présence médicale lors de l’entretien. Le documentaire montre le face à face du juge et du patient, assisté de son avocat. Dans tous les cas, existe-t-il un péril imminent?

Le film a été tourné à l’Hôpital Le Vinatier de Bron, commune de la métropole de Lyon.

Depardon s’est toujours intéréssé comme documentariste à la justice et à la psychiatrie.

Le film s’ouvre par un long travelling dans le couloir vide d’un hôpital moderne. Pour les audiences, trois caméras. Un classique champ-contrechamp.  De gros plans. Depardon ne bouge presque pas, ne sortira de la pièce que pour quelques intermèdes montrant le parc, la cour, les couloirs, les rues avoisinantes, la brume du matin. Il se concentre sur la parole, l’échange, l’écoute. Les juges sont bienveillants,  et les malades abrutis par les médicaments. Tous sont enfermés dans la même pièce.  Huis-clos. Les 10 patients de 12 Jours (parmi les 72 que le cinéaste a pu suivre) ont été enfermés sans consentement. La conclusion est la même: maintien de l’enfermement. Les juges (deux hommes, deux femmes) ne vont jamais contre l’avis des médecins. Selon les statistiques, les juges confirment les décisions des psychiatres dans 91 % des cas. Leurs discours, souvent dérangeants, sont le reflet des maux de notre société: souffrance au travail, place de l’immigré, difficultés d’intégration, violences faites aux femmes, peur du terrorisme. Ces malades sont si loin, si près de nous. Depardon a placé en exergue de son film la phrase de Michel Foucault, tirée d’Histoire de la folie à l’âge classique : «De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par le fou.»

“Pourquoi avez-vous signé autant de travaux, films, photos, sur l’enfermement?
Je m’interroge souvent là-dessus. Je suis attiré par l’enfermement. Pourtant, j’ai eu une enfance très heureuse, mes parents ne m’ont jamais donné une gifle. Peut-être que j’ai une idée très XIXe siècle de la liberté. J’aime être libre au sens paysan, aller et venir, en liberté.” (Interview publiée dans Le Monde le 26/05/2017)