Dilmanche 6 août 1978
“Je recopie quelques généralités que m’avaient inspirées il y a trois mois les dix ans de Mai 68. Tout se récupère, il suffit d’attendre que le grand frisson ne soit plus qu’un mauvais souvenir pour les uns et que nostalgie pour les autres. Les marchands peuvent faire leur monnaie, concocter de juteux coups éditoriaux, et ça aide que ces marchands soient ceux qui tenaient les barricades. Ils doivent aussi se dire qu’il faut renseigner un nouveau public: les lycéens d’aujourd’hui tétaient encore leur pouce en 68. Je fais le bilan comme je le vois. La Gauche prolétarienne s’est rangée: c’est aussi bien, vu le ramassis de fils à papa qu’il y avait aux commandes. Les situs se sont sabordés: normal, ils s’affirmaient eux-mêmes sûrs et ravis d’êtres dépassés. Les autonomes ont pris le relais mais refusent toute filiation historique, ne revendiquant que leur propre ” spontanéité hors de toute dialectique”: sauf celle du baratin! Certains anciens combattants commencent à se placer dans la hiérarchie sociale…normal là aussi: quand les bourgeois fabriquent de la révolution, ça a toujours été à leur profit en utilisant le peuple. il reste les vrais marginaux à qui va mon respect, ce sont les cocus de l’Histoire, par exemple ceux décrits dans le film Comme les anges déchus de la planète Saint-Michel.”
Aujourd’hui 22 mars, je relis les lignes qu’ André Blanchard a écrites, il y a environ 40 ans. Je ne peux pas vraiment contredire ces réflexions pessimistes. Curieusement, je pense à Flaubert et à son Education sentimentale.
Cette référence à “Gugu” aurait beaucoup plu à Blanchard!
Merci. De nombreux rapports entre André Blanchard et “Gugu”. Il lisait avec délectation sa correspondance. Moi aussi.